Chapitre Cinq
Je levai la tête. La voix provenait d'un visage magnifique, encadré de cheveux blonds avec des yeux bleu lagon.
Grégory...
Je poussai un soupir d'agacement.
- Comment vas-tu ?
Je m'approchai de son oreille et lui murmurai :
- Jegran m'a retrouvée dans les Friches de l'Est. J'ai failli y passer. Maintenant, je suis obligée de l'accompagner au bal de la princesse lilty.
-La princesse Althea ? chuchota-t-il à son tour.
Je hochai la tête. La princesse Althea était très appréciée pour ses talents de dirigeante du royaume, mais aussi pour son extrême gentillesse. Après... Je ne l'ai jamais rencontrée.
Grégory murmura à nouveau :
- Tu ne m'as toujours pas expliqué pourquoi Jegran te recherche.
- Au Bois des Mogs, je te raconterai tout. Promis.
Il se plongea dans la contemplation du paysage. Quant à moi, je fixai mes mains et les tordis dans tous les sens. Un des gardes sentit mon anxiété et s'approcha. Décidément, aujourd'hui, je n'avais vraiment pas de chance dans le train selkie !
- Un problème, monsieur... ?
- Mademoiselle. Mademoiselle Léléïa.
- Hé ! Mais, on vous a déjà vue vous ! s'exclama le garde.
- Sûrement. Maintenant, je vous demanderai de me laisser tranquille. Je souhaite terminer paisiblement ce voyage.
Il se gratta le menton et rejoignit un autre garde, situé dans le fond du wagon. Je soupirai, soulagée.
Nous arrivâmes à destination. Sans un mot, nous descendîmes du train. C'est là que nous entendîmes le garde hurler :
- Minute, mam'zelle Léléïa ! Je sais qui vous êtes ! Vous êtes la Selkie que recherche Jegran !
- Grégory ! Vite !
Il me regarda sans comprendre, haussa les épaules et commença à courir. Le Bois des Mogs était rempli de cachettes, de grottes et d'abris. Nous nous cachâmes dans l'un d'entre eux et attendîmes. Grégory jeta un coup d'œil dehors et sortit. Je le suivis. Soudain, il se retourna pour me faire face.
- Tu me l'as promis.
Je hochai la tête.
- C'est une longue histoire...
- On a tout notre temps.
Il s'assit par terre. Je le rejoignis et entamai mon récit :
- Ma mère, enceinte de moi, se promenait dans les vallées près de l'aqueduc de Lett. Elle était seule et un gobelin l'a attaquée par surprise. Par chance et par coïncidence, Vaigali et Jegran étaient juste à côté. Ils lui ont sauvé la vie.
Je guettai les réactions de Grégory. Il hochai la tête, pensif, fronçant les sourcils.
- Ils ont alors conclu un pacte, poursuivis-je. Si ma mère avait un garçon, elle devait l'envoyer vivre chez Vaigali, à la Guilde. Si c'était une fille, elle autoriserait Jegran à... la tuer...
Grégory écarquilla les yeux. Il dit d'une voix étrangement calme :
- Pourquoi Jegran voudrait-il te tuer ? C'est... Comment Vaigali a-t-il pu accepter un truc pareil ?
- Le jour de ma naissance, ma mère n'a pas pu se résoudre à me laisser à Jegran. Alors, elle s'est enfuie et est allée au Monastère de Rivelgauge, près des Champs de Neige. Elle y est restée... disons, quatre mois, quand un moine l'a dénoncée. Jegran est arrivé avec une vingtaine de soldats lilties et l'a tuée. Le dirigeant du Monastère a fait sortir toute l'armée et a conclu un marché avec Jegran.
Grégory me regarda, tentant de retenir tout ce que je lui disais pour s'en souvenir plus tard. Il devait se dire « Encore un marché ? ».
- Si Jegran acceptait de diminuer son armée par deux et de ne plus traîner dans les environs des Champs de Neige, l'abbé lui donnerait ma garde. Heureusement, Vaigali était au courant. Il s'est précipité au Monastère et m'a emmenée avec lui, sans que personne ne s'en rende compte. Lorsque Jegran et l'abbé se sont retournés, j'avais « disparu ». Fou de rage, il a envoyé le pauvre moine en prison, à... la Prison Aérienne...
Nous déglutîmes de concert. On prétend que quiconque est envoyé à la Prison Aérienne ne revient plus jamais.
Enfin bref, Vaigali m'a élevée comme sa propre fille jusqu'à... il y a deux mois, où j'ai appris que je n'étais pas une Selkie, mais une Clavat. Je me suis enfuie.
- Où t'es-tu cachée ?
- A la Capitale d'abord, puis à Costa Faguita.
Il hocha la tête. Je suivis du regard son mouvement.
- Et ton père ? demanda-t-il finalement. Tu le connais ?
- Non.
- Dis, tu es vraiment sûre que tu ne peux pas envoyer de lettres ?
- Le courrier des Mogs postiers est filtré.
- Et ça ? C'est quoi ? Un Chocobo ?
Je levai les yeux sur un Mog postier qui me tendait une lettre.
- Oh ! soufflai-je. Mais comment... ?
- Ouvre-la !
Je saisis la lettre et déchirai l'enveloppe. Un éclat de cristal tomba par terre. Un cristal... rouge.
- Quelle drôle de couleur ! m'exclamai-je.
Je ramassai l'éclat et ouvris la lettre pliée en deux à l'intérieur de l'enveloppe. Je la parcourus des yeux. Elle était signée de Denko.
- Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit Grégory.
- C'est Denko qui me l'envoie...
