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 Le choix d' Erwan

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MessageSujet: Le choix d' Erwan   Le choix d' Erwan EmptyMar 29 Nov - 23:29

Le choix d'Erwan

Qu’est-ce qu’il lui a pris de crier comme ça en pleine rue : Léopold !
Il se rappelle qu’hier, alors qu’il était en centre ville, la brume régnait en maîtresse des lieux, favorisant des comportements débridés de ce genre…
Hier, oui, il en avait gros sur la patate ; son père dans un courrier lui demandait instamment de se mettre en quête d’un nouveau travail. Comme s’il le faisait exprès d’être au chômage, lui, le Bac+5. Lui, qui n’arrête pas d’envoyer CV sur CV aux quatre coins de l’hexagone. Lui, qui ne cesse de faire la chasse aux petits boulots pour joindre les deux bouts d’un budget ultra serré, et qui met un point d’honneur à ne jamais demander le soutien financier de ses parents !
Alors…que le paternel vienne en rajouter par-dessus, non, c’en était trop !
Qu’est-ce qu’ils ont fait d’ailleurs tous ceux de sa génération ?
Quand il recherche dans sa mémoire ce que son père lui a dit sur sa propre jeunesse, une bouffée de colère mêlée d’amertume et de tristesse l’assaille. Cette génération se sera tout permis. D’aller dans des pays lointains, l’Inde, le Népal, destinations qui lui resteront probablement inabordables pendant de longues années encore. De mener une existence de routard, voir de hippie au cours de laquelle la vie pouvait sans cesse se réinventer. Alors que maintenant, dans ce début de troisième millénaire, il s’agit de faire face aux plus dures réalités qui soient : pas de travail, pas de possibilité de se projeter dans quoi que ce soit.
Toutes ces années de Fac pour en arriver là !
Que nous ont-ils légué nos aînés ? Que m’as-tu légué, toi mon père qui t’es souvent enorgueilli, devant ma sœur et moi, d’avoir fait mai 68 ? Que pèsent tes révoltes, tes pseudos engagements face à nos qualifications qui n’ouvrent sur aucun emploi ?
Alors, je t’en prie, aide-moi en ne m’écrivant pas de telles lettres ! Elles ne font que m’enfoncer.
Ainsi, Erwan, 24 ans, soliloque tristement, debout devant sa tasse de café. Il se tient accoudé à l’une des cinq petites tables rondes, haut perchées, qui remplissent l’espace étriqué de la cafétéria où il prend souvent son petit déjeuner, avant de se lancer bravement dans la mêlée urbaine. Ce lieu lui apparaît ce matin comme une métaphore dérisoire de sa vie actuelle : petit, gris, sans espace…Devant lui et derrière la vitre, défilent en groupes incessants des dizaines de gens affairés. Il devine leurs destinations et retarde le moment de se joindre au flot…
Soudain, il repère dans un coin de sa tête comme une musique discrète et prémonitoire qui semble vouloir lui dire quelque chose. Aussi étonnant que cela paraisse, c'est le nom qu'il a lancé avec force la veille en plein brouillard : Léopold !
Entre cet instant dans la cafétéria et la sensation éveillée par le cri, cet appel lancé dans l’épaisseur de la couche brumeuse, Erwan évolue en plein paradoxe. Ce petit noir absorbé machinalement comme un geste basique de sa vie ordinaire, et ce cri comme un déclic qui a réveillé en lui un mouvement ignoré, semblent être deux choix posés sur les plateaux d’une balance Roberval. Mais pourquoi est-il revenu ici ? Qu’attend-t-il de ce lieu où le noir de son esprit se mêle à l’amertume de son expresso ?
Il n’a rien à faire sur ce plateau, sa vie doit changer de décor et la clef est dans ce cri, oui la clef est dans ce cri. Mais que pèse un cri dans l’air saturé d’eau pour construire une vie ?
Le monde extérieur est le reflet de notre monde intérieur, c’est pour cela qu’il se sentait en osmose au cœur du nuage ; sa personne brumeuse baignait comme un poisson dans l’atmosphère de cette soirée automnale. Il s’est passé quelque chose, un truc comme un lâché prise sans doute. Il aime bien l’idée du lâché prise qui le rassure, alors que l’hypothèse d’une perte de contrôle l’affolerait.
Hier, après des démarches infructueuses, Erwan rentrait chez lui, ignorant les personnes qu’il croisait dans la brume, il en voulait à son père qui lui mettait tant la pression...sa révolte, la même que lorsqu’il était ado, ressurgissait et il se souvint des paroles de son orthophoniste, qui lui disait alors qu’il ne pouvait juger à l’aune d’aujourd’hui les actes des générations qui nous ont précédés. Chacun doit faire face et trouver des réponses aux nécessités et aux contingences de son époque.
Des réponses…il aimerait pouvoir en trouver ! Il se contenterait du bout du nez d’un semblant de réponse. Mais rien…il se sent coincé, quand il n’éprouve pas un sentiment de tiraillement. Ses aspirations végètent. Toute initiative est bloquée et le mouvement lié à l’énergie de la jeunesse s’enraille. À quoi sert la jeunesse dans un monde où elle n’a pas d’espace pour agir ?
Erwan sentait que les sons, comme dans un cauchemar, ne passeraient plus la barrière de ses cordes vocales bétonnées.
Il lui fallait faire quelque chose !
Il pressa le pas, mais le son poussait le mur de la foule, déformait la toile du brouillard…il voulait percer…il aurait pu crier « Ha !… », mais c’est « Léopold ! » qui est sorti.
Erwan en fut si surpris qu’un irrépressible fou rire succéda au jaillissement du cri. Il avait fait sauter le bouchon d’une bouteille, et toute la pression qui en lui s’était accumulée se libérait d’un coup. Son diaphragme par le rire brassait l’air de ses poumons et massait son abdomen ; une onde de joie le parcourait et semblait ne plus pouvoir s’arrêter.
Bon sang, quel soulagement de parvenir à rire !
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Karoloth
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MessageSujet: Re: Le choix d' Erwan   Le choix d' Erwan EmptyMer 30 Nov - 6:40

Ô, comme le monde est oppressant, mais il l'a toujours été pour la jeunesse. Il n'y a que les menteurs et les vantards pour prétendre le contraire ou alors les amnésiques, mais pour ceux-là on ne peut plus rien. Petite tranche de vie que j'ai pris énormément de plaisir à lire. Merci.
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MessageSujet: Re: Le choix d' Erwan   Le choix d' Erwan EmptyVen 2 Déc - 11:52

Merci Karoloth pour ta lecture.
Cette histoire je vais l'écrire en coécriture avec un "ami".
Quand je lui ai adressé la suite - c'est lui qui a commencé l'histoire,- il n'a pas aimé. Il m'a proposé de faire une coupure dans ma longueur descriptive, pour la remplacer par un passage contenant plus d'action ( pour faire avancer rapidement l'intrigue). Oui, mais voilà - et je pense que vous me connaissez sur le refuge - j'ai besoin d'analyser, de me mettre dans les pensées du personnage pour le faire bouger dans la vie.
Autant l'écriture du rat de Boston avec un autre "ami" qui accepte mon style et est heureux de l'évolution de l'histoire, autant cette écriture là risque d'être destabilisante pour moi.

Je me promets chaque jour, Karoloth, de venir te lire...je finirai bien par en avoir le temps !
Smile
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