Paysage d'une netteté photographique. J'ai tenté de le destiner au pastel mais vite j'ai déchiré la feuille pour que mon hideux gribouillis ne se substitue pas au souvenir très net que je garde de cet endroit. J'aimerais parvenir à vous le faire voir. Qu'il apporte à qui le lira un peu de la douceur éprouvée.
Une vallée encaissée, une rivière, large, puissante, et cependant calme, roule vers le fond du tableau- car c'est un tableau dans mon esprit. Je reconnaîtrai cet endroit un jour. L'eau est claire, des rochers arrêtent parfois son élan mais sans pour autant perturber trop longtemps son cours.
A droite, en ligne de fuite, une forêt de douglas. Hauts, réguliers eux aussi, ils sont l'écho végétal du fleuve.
À gauche, une autre ligne d'arbre, suivant l'autre rive, donc. Des résineux eux aussi; plus sombres car leur feuillage est moins éclairé par le soleil qui, il me semble, brille généreusement -certes ce mot généreux est peut-être banal mais il porte la qualité merveilleuse de ce tableau- la paix qu'il dégage, l'intensité des couleurs, la puissance des éléments ; le ciel, d'un bleu unique, oui, justement ce bleu là, pas délavé, pur pourtant.
Devant, au premier plan, et surprenant car un peu en avant du fleuve: un plan d’eau calme, tranquille, avec au centre un haut jet d'eau.
Je suis arrivée là je ne sais d’où. Ce n'est pas chez moi c’est évident même si j'y retrouve de mes arbres mais leur démesure évoque plutôt les grandes forêts d'Amérique du Nord, du Canada où je n'ai jamais mis les pieds par exemple. Même chose pour le fleuve.
Je ne suis pas chez moi, pourtant je sais que je suis exactement à ma place. Il n'y a que dans les rêves que l'on éprouve des certitudes pareilles.
Je suis la rive droite, à la lisière des arbres. Le fleuve se resserre, et la forêt le borde de plus en plus étroitement, la lumière est plus diffuse, comme en sous-bois, mais nulle angoisse pourtant. Je suis venue pour aller où je vais, pour être là. Mon corps est plein et serein.
Il me faut toutefois demander quel est cet endroit si beau, qui me comble mais que j'ignore dans le même temps.
Une jeune fille est le long de la rivière. Elle est belle. Elle se penche sur l'eau, prélève des échantillons. J'ai dû lui parler. A ma voix elle me sait étrangère et me sourit amicalement. A présent je sais qui elle est c'est tout à coup une évidence, comme ma présence en ce lieu. Dans les arbres, immenses, de la rive droite il y a comme des cabanes perchées. Une seconde jeune femme, brune, fine, s'y trouve, elle étudie elle aussi la faune, ou les arbres eux même je ne sais pas. Elles sont amies. Je demande ma route, elles savent me l'indiquer et ne doutent que je trouve ici ce que je cherche.
Je n'ai pas dû leur dire au revoir dans mon rêve, je ne me vois pas partir. Simplement je suis apaisée et aujourd'hui me restent encore la splendeur du paysage et leurs beaux et doux visages.