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 Lune T2/Chapitre 13

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quelemondeestbeau
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quelemondeestbeau

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Lune T2/Chapitre 13 Empty
MessageSujet: Lune T2/Chapitre 13   Lune T2/Chapitre 13 EmptyJeu 18 Sep - 21:16

XIII.
L'attaque des sirènes

Le Cœur des Caraïbes avait jeté l'ancre et son équipage toisait avec méfiance les côtes de la Baie de la Mort. Sa forêt, toujours aussi verte et dense, et le silence anxiogène qui la caractérisait n'avaient pas changé. Les vagues s'écrasaient sans un bruit contre les rochers et leur écume venait se répandre sur la plage de sable fin. Le soleil brûlant faisait miroiter l'eau turquoise, à première vue calme. Rien n'avait changé ici. Ce qui signifiait que les sirènes étaient toujours ici, à attendre la venue d'un homme inconscient du danger – ou suicidaire.
Tandis que les pirates recrutés à Port-Royal fixaient la Baie avec une terreur qu'ils essayaient de camoufler tant bien que mal, les autres membres de l'équipage se tournèrent vers moi. En ma qualité de Sirène aux Ecailles de Lune, j'étais supposée savoir comment faire pour atteindre la plage sans éveiller l'appétit féroce des filles de l'eau. Je sentais les regards pleins d'espoir posés sur moi mais j'étais aussi ignorante qu'eux. Tous attendaient pourtant mes ordres.

- Personne ne reste sur le navire, commençai-je. Elles sont suffisamment nombreuses pour le faire couler. (Timothy, Jonathan et Elijah partirent préparer les chaloupes.) Que personne ne parle ou ne chante une fois sur les chaloupes. Les voix humaines les attirent.

Trois chaloupes furent prêtes en à peine cinq minutes. Les pirates se répartirent ensuite dans les petites embarcations. Avant de les faire descendre, je donnai encore quelques indications que je jugeais logiques et utiles.

- Les sirènes sont des séductrices, ne répondez jamais à leurs avances quoi qu'elles vous disent ou elles vous emmèneront dans leur royaume et vous noieront avant de vous dévorer. Restez vigilants et attentifs et surtout : ne quittez pas la chaloupe tant qu'elle n'a pas touché le sable.

Les embarcations descendirent lentement jusqu'à la mer, dans un silence religieux. Dirk, Elijah, Victor et Duncan – le cuisinier du navire – étaient montés dans la même chaloupe que moi. L'idée de séparer l'équipage en trois ne me plaisait pas, mais nous n'avions pas le choix. Une seule chaloupe n'aurait pas supporter le poids de quatorze personnes.
La chaloupe d'Alexander, Timothy, Jonathan, Lewis – un pirate recruté à Port-Royal – et Ruben – déjà membre du Cœur l'année passée – partit en premier, laissant dans son sillage de légères vaguelettes qui s'évaporaient sans un son. Blake était également passager de cette chaloupe, posé sur l'épaule d'Alexander. La deuxième chaloupe, celle d'Aidan, Colin, Edmund et la nouvelle recrue Wilhem, s'avança à son tour, très lentement, les pirates osant à peine frappant l'eau de leurs rames. Finalement, notre embarcation quitta le périmètre rassurant du navire pour s'aventurer dans les eaux troubles de la Baie.
Dans d'autres circonstances, ce silence aurait été agréable. Néanmoins, dans la Baie de la Mort, ce ne pouvait être qu'un silence sinistre que personne n'osait briser, par crainte de voir se réveiller les monstrueuses habitantes des alentours. Elijah, assis au bout du petit bateau, une rame dans chaque main, nous faisait progresser vers la plage de sable fin. Son visage était angoissé, il n'avait pas le courage de regarder plus loin que le bois qui constituait le fond de la chaloupe. Ses yeux rencontrèrent les miens avant de se fixer sur ses pieds tremblants et mouillés. Dans mon dos, je sentais l'inquiétude croissante de Dirk et Duncan. A ma droite, Victor respirait à peine, le corps crispé par l'appréhension. Il avait sagement posé ses mains sur ses genoux, mais je ressentais la peur qui lui serrait le cœur. Et je la comprenais mieux que quiconque.
Il y a un an, à bord d'une chaloupe, j'avais chanté pour attirer les sirènes, debout et seule, tandis que le pirate ayant perdu à la courte paille m'accompagnait vers une mort qui me paraissait évidente. Une chose m'avait sauvée : ma queue de poisson. A ce moment-là, j'avais eu peur, mais j'avais seulement eu peur pour ma vie. Non pas que je n'accordais aucune importance à la vie de mon rameur, mais j'avais décidé que ma propre vie passerait avant la sienne. Aujourd'hui, tout était tellement différent. C'était un équipage entier qui s'avançait dans la Baie et se mettait en danger pour sauver son capitaine, sans être tout-à-fait sûr d'y trouver le troisième indice. Si l'un d'entre eux venait à mourir dévoré par une sirène, il était certain que je m'en voudrais jusqu'à la fin de mes jours.
Nous avions parcouru la moitié de la distance, dans un silence seulement interrompu par le mouvement régulier des rames et les vagues caressant la coque de la chaloupe. Les souffles étaient retenus, les visages inquiets, osant à peine effleurer du regard les eaux de la Baie. Nous aurions pu entendre les oiseaux chanter, s'il y avait eu des oiseaux.
Loin devant nous, la barque d'Alexander, Timothy, Jonathan, Lewis et Ruben venait d'arriver à destination. Chacun quittait précautionneusement la chaloupe, de crainte d'éveiller les sirènes en faisant trop de bruit. Je soupirai intérieurement de soulagement. La seconde embarcation n'allait pas tarder à arriver à son tour. Je me détendis un peu. Un léger bruit à l'arrière de la chaloupe me fit sursauter. Un bruit d'ongle...
Je me retournai vivement : une de ces immondes créatures était accrochée à notre barque, du côté de Dirk. Ses longs cheveux bruns ondulaient autour de son corps gracieux tandis que ses ongles s'approchaient lentement de Dirk. Ce dernier me lança un regard terrifié et recula autant qu'il le pouvait. La sirène afficha un sourire charmeur et observa Dirk avec intensité. Nous étions tous pétrifiés. Elijah avait cessé de ramer et ne savait que faire.
Brusquement, le visage de la sirène changea. Elle adopta les traits d'une belle femme de trente ou trente-cinq ans. Deux petites fossettes se creusèrent lorsqu'elle sourit à nouveau. Dirk frémit.

- Milah ? demanda-t-il fiévreusement.

Ce simple nom résonna contre les rochers de la Baie dans un écho sinistre. En guise de réponse, la sirène lui fit signe de s'approcher. Dirk obéit. Je le repoussai en arrière.

- Dirk, ne faites pas ça ! Ce n'est pas Milah !
- Si, regarde. C'est elle... Ces fossettes, ce sourire, ces yeux. C'est tout elle.

La manière dont il prononça ces mots et le rythme de sa voix me firent comprendre que la sirène l'avait envoûté. Il ne contrôlait plus ses mots et encore moins ses gestes. Ce qui expliquait pourquoi il repoussa violemment Victor, qui tentait vainement de l'écarter de la créature diabolique.

- Elijah, rame, ordonnai-je fermement.

Personne ne me répondit et la barque n'avança pas.

- Elijah, rame ! insistai-je.

Je finis par me touner vers lui et hoquetai de surprise. Une sirène caressait tendrement de ses longs doigts la joue d'Elijah. Ce dernier, rouge du menton jusqu'aux oreilles, avait remis les rames dans la barque et ne semblait pas décidé à ramer pour sauver sa vie. Je saisis une des rames et repoussai la sirène avec l'extrémité. Elle poussa un cri terrible en retombant à l'eau.
Je regardai derrière moi : Dirk était encore avec la sirène.

- Duncan, retenez-le et ne faites surtout pas attention à ce qu'il dit, il ne contrôle plus rien.

Le cuisinier hocha la tête et ceintura le pirate avec une force incroyable. Dirk commença à se débattre mais Duncan était plus fort que lui. Il se mit alors à l'insulter, ce qui le motiva à le maintenir un peu plus.
Je me retournai vers Elijah, qui se penchait dangereusement vers la créature marine. Je le pris par les épaules et tentai de le retenir mais je n'y parvins pas. Victor s'en chargea à ma place et eut plus de succès que moi. Tout comme Dirk vis-à-vis de Duncan, Elijah nous lança les pires injures existantes. Victor l'attrapa par le col et le jeta violemment dans la chaloupe. Elijah s'assomma et perdit connaissance.

- Au moins, dans cet état, il ne risque pas de se jeter à l'eau, déclara Victor pour se justifier.
- Vous savez ramer vite ? l'interrogeai-je en lui tendant une rame.
- Vite comment ?
- Assez vite pour sauver nos vies à tous.

Victor s'empara des rames et s'installa à l'avant du petit bateau. Une sirène s'agrippa de mon côté et paraissait très déterminée à ne pas nous lâcher. D'un coup de coude, je l'envoyai retrouver les eaux fraîches de la Baie. Une seconde accrocha ses ongles au bois usé de la chaloupe. Je réitérai la technique du coup de coude, qui fonctionna parfaitement. Mais plus je renvoyais les sirènes à l'eau, plus elles étaient nombreuses à se cramponner férocement à l'embarcation qui tanguait de plus en plus.
Devant nous, Alexander et Aidan remettaient leurs chaloupes à l'eau pour venir nous aider. Je fis de grands mouvements pour leur ordonner de rester sur la plage. Force m'était de constater que mes mouvements de bras n'étaient pas très compréhensibles. Je finis par leur hurler :

- Restez sur la plage ! Ne bougez surtout pas ! Je vous en supplie, restez sur la plage !

Mes cris les convainquirent et ils remontèrent leurs barques sur le sable sans toutefois nous quitter des yeux. Une fois sûre qu'ils n'allaient pas venir risquer leur vie pour nous, je reportai mon attention sur les bords de notre embarcation. Des sirènes s'étaient accrochées tout autour du bateau et nous empêchaient d'avancer. Fort heureusement, ni Duncan ni Victor ne semblaient sensibles à leurs charmes et Elijah était toujours inconscient. Mais les sirènes menaçaient de couler notre chaloupe pour nous tuer tous avant de nous dévorer. La situation devenait désespérée.

- Leanne ! cria soudain Victor. Elles m'ont pris les rames !

Les larmes me montaient aux yeux. Plus de rames, cela signifiait plus aucun moyen d'avancer et plus aucune chance de s'en sortir. A moins de nager très vite, nous étions perdus. Néanmoins, même le meilleur nageur ne pouvait rien contre une queue de sirène.
Je me redressai d'un coup, pleine d'espoir. Même le meilleur nageur ne pouvait rien contre une queue de sirène. Les sirènes de la Baie nageaient vite, certes, mais je connaissais une sirène qui nageait encore plus vite que ces monstres marins.
Je me levai sous le regard étonné de Duncan et Victor et celui, satisfait, des sirènes. Puis, sans faire attention à tous ces regards qui m'observaient, je me jetai à l'eau. Il me fallut quelques secondes d'adaptation, à cause de la fraîcheur extrême de l'eau, mais très vite, je parvins à ouvrir les yeux pour voir les sirènes tout autour de moi. Elles me fixaient avec terreur, reconnaissant sans doute les cicatrices sur ma queue, là où il y avait autrefois cent cinquante écailles en pierre de lune. Elles lâchèrent un cri terrifiant et s'enfuirent. Je souris en les voyant disparaître.
Une fois certaine que toutes les sirènes étaient parties, je remontai à la surface. Duncan maintenait toujours Dirk, qui voulait à tout prix rejoindre « Milah » dans son royaume. Elijah, quant à lui, reprenait lentement conscience. Par prudence, Victor bloqua Elijah pour l'empêcher de bouger. Je posai mes mains à l'arrière du bateau.

- Tenez-vous bien, ça va aller très vite.

Une main frôla ma queue de poisson. Je tressaillis et me mis à nager le plus vite que je pouvais. Les sirènes essayèrent de me rattraper, je pouvais les entendre hurler dans mon dos. Mais aucune sirène n'était capable de nager plus vite que la Sirène aux Ecailles de Lune. A peine cinq minutes plus tard, nous étions sur la plage. Même lors de ma première visite à la Baie de la Mort, je n'avais pas nagé aussi vite. A ce moment-là, je ne savais pas que j'avais une queue de poisson aussi puissante. Epuisée, je restai allongée sur le sable, les jambes dans l'eau, et tentai de reprendre mon souffle.
Quelqu'un s'assit à côté de moi, je levai la tête. Dirk regardait l'horizon d'un air absent et laissait les vaguelettes venir lécher ses bottes élimées. Au bout d'un moment, il prit une pleine poignée de sable et la jeta à l'eau avec rage avant de prendre sa tête dans ses mains.

- Je suis affreusement désolé.
- Ne vous excusez pas, vous étiez sous l'emprise du charme de la sirène.
- J'aurais dû résister.
- Même en le voulant, vous n'auriez pas pu. La magie des sirènes est redoutable.

Il tourna la tête vers moi. Dans ses yeux, je pouvais lire un profond désespoir, voire même de la honte. Je me redressai sur mes coudes.

- Son visage... On aurait vraiment dit Milah.
- Je sais, fis-je. Vous n'avez pas à vous en vouloir.
- Nous avons failli mourir... à cause de moi.
- Non, Dirk. C'est à cause de moi que vous avez tous failli mourir.
- Qu'est-ce que tu racontes ? répliqua-t-il. Cesse de dire des choses comme ça !

Je choisis de ne pas répondre. C'était moi qui avais désigné la Baie de la Mort comme deuxième étape de ce terrible jeu de pistes. Si l'un d'entre eux avait perdu la vie, j'aurais été la seule personne blâmable.

- Je vous ai dit des choses horribles, se lamenta Dirk.
- Vous n'étiez pas dans votre état normal. Elijah a dit des choses tout aussi horribles mais il ne s'en rendait pas compte.
- Elijah aussi était sous le charme d'une sirène ?

Je hochai la tête tout en cherchant l'intéressé du regard. Il discutait plus loin avec Aidan et Jonathan. Tous les pirates souriaient, heureux d'avoir échappé aux sirènes. Néanmoins, il y avait dans certains sourires une joie amère : quelques pirates avaient bien compris que nous devrions faire le chemin inverse, mais, cette fois, les sirènes nous attendraient sagement. Et cette fois, peut-être que je ne pourrais pas tous les sauver.

- Si je comprends bien, reprit Dirk en jouant avec un fil qui dépassait de sa veste, seuls Victor, Duncan et toi n'avez pas été envoûtés.
- C'est exact.
- Pourquoi ?
- Victor aimait profondément une femme il y a longtemps, dis-je après un temps de réflexion.
- Moi aussi, pourtant j'ai été envoûté.
- Oui, mais Victor n'a jamais réussi à tourner la page. Du moins, c'est ainsi que je le ressens. Il n'a jamais pu faire le deuil de cette femme, tandis que vous, vous avez su vous concentrer sur autre chose, comme votre navire et vos hommes. Les sirènes ne peuvent rien faire quand un amour insubmersible et indivisible envahit le cœur d'une personne.

Le pirate opina lentement du chef. Pendant ce temps, je sortis ma queue de l'eau : mes jambes réapparurent aussitôt. Je frissonnai. Dirk retira sa veste et la posa sur mes épaules.

- Tu as été d'un courage exemplaire.
- J'ai fait ce qu'il fallait faire, c'est tout.
- Je ne suis pas sûr que je me serais jeté dans une eau infestée de sirènes.
- Je suis la Sirène aux Ecailles de Lune, souris-je. Ça a suffit pour les faire fuir juste assez longtemps pour nous échapper.

Dirk observa un silence, les mains dans le sable, avant de reprendre :

- Je devrais aller m'excuser auprès de Duncan.
- Ce n'est pas la peine, il sait que vous n'étiez pas dans votre état normal.
- J'irai tout-de-même lui en toucher deux mots. (Il lança un regard vers le ciel puis vers les membres de l'équipage.) La nuit commence à tomber. Je n'ai pas très envie de dormir ici mais chercher un indice dans le noir me plaît encore moins.
- Les sirènes ne nous attaqueront pas. La terre n'est pas leur royaume.

Le pirate se remit sur ses pieds, jeta un œil à la ronde et fit quelques pas vers l'endroit où s'était réuni l'équipage. Au bout de trois pas, il se retourna vers moi.

- Merci, Leanne. Pour tout.

Je lui adressai un signe de tête accompagné d'un petit sourire. Il sourit à son tour avant de rejoindre ses hommes. Je rivai ensuite mon regard à l'horizon, là où Dirk avait posé ses yeux un peu plus tôt. Demain, nous nous mettrons en route pour trouver le troisième indice. Demain, peut-être, nous saurons où chercher Spark.
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Damona Morrigan
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MessageSujet: Re: Lune T2/Chapitre 13   Lune T2/Chapitre 13 EmptySam 11 Oct - 14:00

Excellent, j'ai fait la traversée en chaloupe avec Leanne et ses amis, j'ai retenu mon souffle jusqu'à leur arrivée sur la terre !
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quelemondeestbeau
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quelemondeestbeau

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MessageSujet: Re: Lune T2/Chapitre 13   Lune T2/Chapitre 13 EmptySam 11 Oct - 18:00

Merci beaucoup ! J'ai essayé de vraiment disséquer l'action pour rendre la scène plus stressante et, apparemment, je ne me suis pas trop mal débrouillée Wink
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MessageSujet: Re: Lune T2/Chapitre 13   Lune T2/Chapitre 13 Empty

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