Chapitre Trois
- Où est ton armée, Jegran ? lançai-je sans réfléchir.
Il ne répondit pas. En fait, il ne réagit même pas. Ce qui me fit plus peur que jamais. Denko soupira bruyamment et avança vers Jegran. Je voulus le retenir, sans succès. Enfin arrivé, il s'exclama :
- Allez Cid, sors de ta cachette ! Tu es en train de terroriser Natacha !
Je le contemplai, médusée.
- C'est Cid qui est derrière tout ça ?!
- Bonjour ma belle ! répliqua l'intéressé.
- Cid, ce n'était pas vraiment drôle !
- Tu as eu peur ?
- Tu sais pertinemment que depuis ma fugue, j'ai les nerfs à fleur de peau.
Il s'excusa, visiblement très gêné. Cid est un inventeur lilty de génie. Il a réussi à construire un moteur utilisant le cristal comme source d'alimentation. Il est adulé par le gouvernement, installé à la Capitale. Il habite à Pontville, tout près des Friches de l'Est, où vivent d'énormes coyotes.
Cid est assez enrobé pourtant, si on regarde ses bras et ses jambes, on remarque qu'ils sont fins et même, plutôt maigres.
- Alors comme ça, on va au Vignoble ? Sans me prévenir ?
- Cid, on ne peut pas envoyer de lettres : les gardes royaux examinent le courrier de tous les Mogs postiers, dit Denko.
- Et puis... Dois-je te rappeler que j'ai la phobie des coyotes ? Surtout ceux des Friches de l'Est ? répliquai-je.
Cid sourit de toutes ses dents.
- Il faudra que tu t'endurcisses ! Venez à Pontville ! Je dois bien avoir une place pour vous à l'atelier !
Denko secoua négativement la tête.
- C'est un des premiers endroits où les gardes royaux vont nous chercher. Chez toi.
- Hélas... soupirai-je.
- Tant pis, dit-il en haussant les épaules. Mais... Prenez au moins ceci pour aller au Vignoble.
Il nous tendit deux capes noires, comme celles que portent les moines du Monastère. Je caressai la douce étoffe, décorée de petits traits verts et rouges entremêlés.
- Merci Cid ! s'exclama Denko. Ainsi, on pourra passer inaperçus jusqu'au Vignoble !
- Et s'ils nous demandent nos noms ? demandai-je.
- J'y ai pensé, répondit Cid. Toi (Il me désigna), tu t'appelles Léléïa.
- Léléïa ? Où as-tu pêché ça ?
- Et toi, continua-t-il en désignant Denko et sans prendre garde à ma remarque, tu t'appelles Ornel. Allez, mettez vos capes ! En vous dépêchant, vous pourrez avoir le prochain train selkie pour la Capitale !
Nous hochâmes la tête de concert et partîmes. Nous arrivâmes à Costa Faguita, mourant de chaud sous nos capes épaisses. Plusieurs jeunes enfants nous regardèrent, étonnés puis, quand je tournai la tête vers eux, ils devinrent apeurés et coururent se réfugier dans les bras de leur mère. Je soupirai.
Le train selkie allait démarrer quand nous arrivâmes à la gare de Costa Faguita. Nous montâmes dans le train et, sans un bruit, nous nous installâmes sur des banquettes, face à face. Nous évitâmes de lever la tête et de regarder les énormes gardes situés de chaque côté du wagon. L'un d'eux s'approcha de nous. Je commençai à trembloter. De peur. Le garde s'écria :
- Hé ! Vous, les moines ! C'est quoi, vos noms ?
- Ornel, déclara Denko.
- Et toi ? Oh ! J'te cause !
Denko me fixa intensément. Je pris une profonde inspiration et déclarai à mon tour :
-Léléïa.
-Léléïa ? C'est lilty, ça.
-Et alors ? Les moines lilties, ça vous dérange ?
-Non... Pas du tout... Bon voyage...
Je soupirai de soulagement, libérée d'une grande pression. Denko regarda le garde s'éloigner avant de me chuchoter très bas :
- On aurait pu être découverts.
- Mais on ne l'a pas été, répondis-je aussi bas que lui.
- Tu sais très bien que ce n'est pas le genre de comportement à avoir.
Je haussai les épaules et soupirai. Je tournai mon regard vers la fenêtre du wagon. Le paysage défilait à toute allure. Les hauts palmiers de Costa Faguita avaient peu à peu été remplacés par les beaux arbres vert tendre des alentours de la Capitale. J'aimais tant cet endroit. J'y avais vécu après ma fugue de la Guilde selkie. Pas très longtemps, juste un mois ou deux...
Le train arriva enfin à destination. Nous sortîmes du wagon sous le regard méfiant du garde qui nous avait interpellés. Nous nous postâmes devant la gare, nommée gare des Prairies. Denko tourna à gauche, en direction du Poste Cerise. Quant à moi, je ne bougeai pas. Denko, sentant que je ne le suivais pas, se retourna et s'écria :
- Nata... Heu ! Léléïa ! Qu'est-ce que tu fiches ?
- J'ai... envie d'entrer dans la Capitale...
- Quoi ?! Tu es tombée sur la tête ou quoi ?!
Je soupirai et commençai à m'avancer vers la porte du Jardin de la Reine, espace magnifique précédant l'entrée dans la Capitale.
- On ne peut pas aller dans la Capitale ! Il y a des gardes royaux dans chaque coin et recoin de la ville !
- Et alors ? répliquai-je. Avec nos capes, on ne risque rien !
- Si, justement ! s'écria Denko. On risque gros ! Les gens trouveront ça étrange que des moines se baladent dans la Capitale !
- Denko ! Arrête de hurler ! dis-je en hurlant moi-même. Arrête ou je...
Je m'interrompis, m'apercevant de ma gaffe. Je venais de hurler le prénom de mon ami, aussi recherché que moi dans les alentours de la ville.
- Capturez-le !