Chapitre Quatre
Nous nous retournâmes : deux gardes royaux couraient vers nous. Denko saisit violemment mon poignet et se mit à courir vers le Poste Cerise. La capuche de ma cape tomba. Un garde brailla :
- C'est la Selkie ! Il ne faut pas les laisser fuir !
Nous atteignîmes le Poste Cerise où, toute l'année, des pétales de cerisiers tombaient. Il y a une légende qui dit que si on parvient à en attraper un avant qu'il ne touche le sol, notre vœu le plus cher se réalise.
Je commençai à m'essouffler. Nous sortîmes enfin du Poste et arrivâmes à une fourche : d'un côté le pont, direction le Vignoble, de l'autre, le vieil aqueduc de Lett. Il y avait un troisième chemin. La pancarte indiquait « Friches de l'Est ». Denko se précipita dans ce chemin.
- Denko ! Non !
- Quoi encore ? dit-il sans s'arrêter de courir.
- J'ai peur des coyotes !
- On n'a pas le choix !
Nous arrivâmes dans un grand désert, les gardes à nos basques. Je vis un coyote et sentis une goutte de sueur perler sur mon front. Un point de côté me ralentit. Denko me tira, m'obligeant à garder la même allure qu'avant. Je me retournai et aperçus les gardes. Bien sûr, je ne vis pas la racine devant moi. Alors que Denko l'évita, je m'emmêlai les pieds dedans. Denko tenta de me sortir de là mais n'y parvint pas.
- Denko ! Fonce à Pontville ! Allez !
Il hocha la tête et reprit sa course. Les gardes s'arrêtèrent devant moi, toujours emmêlée dans ma racine. Un des deux gardes prit son épée et la trancha. L'autre me prit le bras et me releva sans aucune douceur.
- Ça y est ! On te tient ! dit le garde à l'épée.
-Laissez-moi partir... soufflai-je épuisée par cette course-poursuite.
- Ah non ! reprit le même garde. On va t'emmener voir Jegran !
- Pas la peine, je suis déjà là.
Je levai péniblement la tête, aveuglée par le dur soleil des Friches. Je vis Jegran en ombre chinoise devant moi. Il fit signe au garde de me lâcher. Je tombai à terre.
- Alors, ma chère Natacha... Cela fait si longtemps que j'attends cela...
- Tu n'oseras pas... murmurai-je.
- Oh ! Tu as raison. Je n'oserai pas le faire si tes chers amis ne te voient pas.
- Laisse-les en dehors de ça... Cela ne concerne que toi et moi...
Il sourit cruellement. Quant à moi, je me sentais si faible... Si faible que j'allais m'évanouir...
J'ouvris les yeux sur les visages familiers de Cid et Denko. Je tentai de me rappeler les évènements survenus précédemment. Impossible.
- Bonjour ma belle, s'exclama joyeusement Cid. Alors ? Comment te sens-tu ?
- Vaseuse... répondis-je d'une petite voix faible. Mais, que s'est-il passé ?
- J'ai couru à Pontville, commença Denko, et j'ai prévenu Cid.
- Nous avons accouru et j'ai vraiment cru que tu y étais passée ! continua Cid.
- Comment... vous avez fait ?
- Pour te sauver ? On a conclu un marché avec Jegran.
- Quoi ?! m'écriai-je en me redressant sur mon lit. Vous avez fait quoi ?!
Denko parut ennuyé et Cid, vraiment très gêné.
- Ce n'est pas grand-chose, tu sais... marmonna Cid. Il faut juste que... Heu...
- Il faut juste que quoi ?
- Que tu accompagnes Jegran au bal donné en l'honneur de la princesse, termina Denko. Il veut que tu sois sa cavalière.
- Jamais !
Cid se mordit les lèvres.
- Jamais je ne ferai ça !
- Tu aurais préféré mourir ? s'exclama le Selkie. C'est juste un bal ! Et tu sais danser ! Alors, je ne vois pas où est le problème.
Je me levai, chancelante, et saisis ma cape, posée sur un guéridon en bois sombre. Je savais que Jegran s'arrangerait pour mettre quelques gouttes de poison dans mon verre, et qu'il ne serait jamais accusé.
- Moi, je le vois, le problème, répliquai-je en mettant ma cape sur mes épaules et en rabattant la capuche.
- Où vas-tu ? Tu devrais rester couchée, tu... commença gentiment Cid.
- Je vais très bien ! dis-je, agressive. Laissez-moi, je suis une grande fille.
Je sortis de l'atelier de Cid et me retrouvai dans l'arrière de Pontville. Il y avait une porte, donnant accès à la gare du Désert. Je m'y rendis, non sans des regards interloqués de la part des gardes. Des moines, il n'y avait jamais à Pontville.
Je montai dans le train, à destination du Bois des Mogs. Je m'assis sur une banquette et ne pensai plus à rien. Enfin, si, à une chose : la voix qui venait de m'appeler.
- Comme on se retrouve !