Chapitre Six
Natacha,
Je suis allé au bateau de la Guilde. Oui, j'y suis retourné. Je voulais discuter avec Vaigali, pour éclaircir certaines zones sombres de ton passé. Bien sûr, il n'a pas voulu me répondre à moi, le « pauvre petit Selkie qui fait des courbettes au royaume lilty ». Par contre, il m'a donné cet éclat. Il l'a trouvé dans la chambre de Mina. Cette couleur lui a paru très étrange et il a préféré que je l'examine moi-même. Je ne sais pas grand-chose sur les cristaux mais je suis sûr que tu trouvera un porteur de cristal sur ton chemin. Je suis certain que ce porteur pourra nous aider.
Dès que tu as des informations, retrouve-moi à la Bibliothèque Royale de la Capitale – sans te faire prendre bien sûr.
Denko
P.S : N'oublie pas que tu es la cavalière de Jegran. Le bal a lieu dans deux jours, au palais. Si tu n'y vas pas, Jegran te fera rechercher, morte ou vive.
- Qu'est-ce qu'il est écrit ?
- Je... Heu...
Grégory me prit la lettre des mains et la lut.
- Je vois... Qui est cette Mina ?
- Ma meilleure amie. Elle m'a aidée à m'enfuir de la Guilde mais a refusé de m'accompagner, aimant trop son peuple.
Il se frotta le menton. Est-ce permis d'être aussi... magnifique ?
- Il faut aller à la Bibliothèque.
- Mais nous n'avons aucune information !
- J'ai bien envie de rencontrer ce Denko.
Je m'assis sur une pierre recouverte de lichen. Je n'étais jamais venue au Bois des Mogs mais la plupart des Selkies qui y étaient allés m'avaient raconté de très belles choses. Le Bois des Mogs étaient le lieu de vie des Mogs – évidemment. Il y avait un énorme trou et, en son centre, un arbre immense, soutenant de nombreuses maisons. Je soupirai.
- Qu'y a-t-il ?
- L'histoire de notre monde est quelque chose qui me passionne, déclarai-je. Le Principe du Cristal, les quatre tribus originelles... Cela m'intéresse beaucoup. Pour moi, la Grande Guerre était une erreur. Nous devons apprendre à vivre en harmonie pas... en conflit...
Grégory eut un sourire.
- Tu es une éternelle pacifiste, n'est-ce pas ?
- On peut dire ça comme ça, répondis-je en haussant les épaules.
Je fixai une petite chenille bleue qui ondulait gracieusement à mes pieds. Elle semblait perdue, cherchant son chemin dans les hautes herbes du Bois. Grégory suivit mon regard. Je relevai la tête et me remis debout.
- Allons à la Bibliothèque mais... évitons le train selkie. Je l'ai pris deux fois aujourd'hui et on m'a reconnue à chaque fois.
- Tu as remarqué les gardes lilties dans le train ?
- Oui et ?
Grégory se leva du rocher où il était assis.
- Le train selkie est réservé aux Selkies. L'armée et la police n'ont pas à monter dedans.
- Tu veux dire que...
- Je pense que Jegran leur a dit de le surveiller, puisque nous l'empruntons régulièrement. J'ai une autre idée pour rejoindre la Capitale...
Il émit un bref sifflement et deux Chocobos apparurent. Je n'en croyais pas mes yeux.
- C'est génial ! m'écriai-je. Mais où les as-tu trouvés ?
Il ne répondit pas et se contenta de sourire. Nous montâmes sur les Chocobos et partîmes au galop. Enfin, si on peut parler de galop pour un gros poulet jaune. Nous traversâmes de grandes plaines verdoyantes. Je baillai, de plus en plus fatiguée.
- Natacha ! m'appela Grégory. Tu tiens le coup ?
- Je suis épuisée. J'ai eu droit à trois courses-poursuites avec les gardes royaux aujourd'hui.
- On va s'arrêter. Ça te dérange de dormir à la belle étoile ?
Je secouai négativement la tête. J'étais prête à dormir n'importe où pourvu que je dorme !
Nous stoppâmes nos montures près de la gare Rougefeuille. Cet endroit semblait être arrêté dans un automne éternel. La gare de l'Automne Eternel... Ça sonne plutôt bien, non ?
Grégory attacha les Chocobos à un arbre qui – je suppose – était un chêne. Il s'allongea ensuite dans un tas de feuilles rouges.
- Bonne nuit, Natacha.
- Bonne nuit...
Il s'endormit instantanément. Il faut dire qu'il était assez tard. Je me couchai à mon tour et tentai de dormir, mais ma fatigue s'était envolée. Je contemplai le ciel. Parmi les milliards d'étoiles qui y brillaient, ma mère brillait elle aussi, quelque part. Ce devait être une belle femme. Sans m'en rendre compte, je m'endormis.
Lorsque je me réveillai, la première chose que je vis, c'était Grégory qui se battait, à l'aide de puissants champs magnétiques avec... Avec quoi, au juste ?
- Natacha ! me cria-t-il. Sauve-toi !
- Quoi ? Mais... pourquoi ? balbutiai-je.
- Ne discute pas ! Fonce !
Je sautai sur mon Chocobo et partis, abandonnant Grégory. Je jetai un coup d'œil dans mon dos et vis ce avec quoi il se battait : c'était une petite dizaine de gobelins. Deux d'entre eux comprirent que je prenais la fuite et s'élancèrent à ma poursuite. Je fis accélérer mon « autruche » jaune et fonçai vers les Champs de Neige. Les gobelins ne me suivraient pas. Ils avaient bien trop peur des loups présents dans ce coin. Ils s'arrêtèrent et retournèrent vers Grégory. L'idée de l'avoir abandonné me culpabilisait. Je cessai de penser à lui et me concentrai sur mon chemin, recouvert de poudreuse. Dans mon short léger et mon petit gilet, je commençai à ressentir le froid mordant qui sévissait dans cette région. Je serrai les dents. Je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même : Denko m'avait toujours conseillé de garder un manteau épais sur le dos. Mon Chocobo commença à ralentir.
- Non ! Tu ne peux pas me faire ça !
Il respira bruyamment et s'arrêta.