Chapitre Huit
J'ouvris les yeux. J'étais dans une triste petite chambre. Les murs étaient nus. Ni peinture, ni affiche. Rien. Le lit était très peu confortable et j'avais très mal au dos.
Je me redressai sur un coude et portai la main à ma tête. Mon mal de crâne persistait encore mais la douleur avait disparu. Combien de temps avais-je dormi ? Une heure ? Deux ? Un jour ? La porte s'ouvrit brutalement. Je sursautai.
- Oh ! Pardon ! s'excusa le vieux moine qui venait d'entrer. T'ai-je réveillée ?
- Non... Je... Je l'étais déjà... Je... bredouillai-je.
- Les portes sont très humides et il faut pousser pour les ouvrir.
- Où est Denko ?
Il fronça les sourcils.
- Denko ? Je ne connais pas de Denko... Ah ! (Il se frappa le front de la main.) Si ! Bien sûr ! C'est ton ami selkie ! Viens, je vais t'emmener le voir.
Il m'aida à me lever. Je constatai que je portais une belle robe rouge qui s'arrêtait aux genoux. Elle semblait légère mais était doublée de laine, ce qui la rendait confortable et chaude. Le vieux moine – qui était l'abbé du Monastère – me conduisit jusqu'à une salle de taille moyenne. On ne voyait presque plus les murs : ils étaient recouverts d'immenses bibliothèques remplies de livres. Il y avait une cheminée qui siégeait au milieu de la pièce. Deux fauteuils de velours vert avaient été placés juste devant. Dans le siège de droite, Denko était installé et lisait avec beaucoup d'attention. Je m'approchai discrètement, encore un peu vaseuse.
- Qu'est-ce que tu lis ? demandai-je doucement.
Il leva la tête et me tendit le livre. Il était très lourd.
- Les Quatre Tribus et le Principe du Cristal ? Depuis quand aimes-tu ce genre de livres ?
- Je me renseigne. Et toi, ça va mieux ?
- Combien de temps ai-je dormi ?
Ce fut le moine qui me répondit :
- Trois heures. Tu récupères vite. C'est impressionnant !
J'ouvris le livre et tombai sur une page vierge d'écriture. Je ne comprenais pas.
- Ah, oui... soupira le moine. Cette page s'appelle la Page de la Porteuse.
- Pourquoi ? s'enquit mon ami.
- On raconte qu'un jour, une porteuse de cristal libèrera le pays.
- Elle le libèrera de quoi ? demandai-je.
Il s'assit dans un fauteuil.
- Nous l'ignorons, jeune fille, nous l'ignorons...
Je jetai un œil à Denko. Il haussa les épaules et se leva.
Je fixai le jardin enneigé du Monastère. Cette fois-ci, je n'aurai pas froid : les sœurs m'avaient gentiment confectionné un manteau doublé de fourrure de loup, très chaude, et un pantalon, lui aussi doublé. Je m'assis sur un escalier de pierre. Quelqu'un me tapota l'épaule. Je me retournai. C'était une Clavat.
- Bonjour... murmura la jeune fille. Je... Je me suis laissée dire que...
Elle ne finit pas sa phrase. Elle semblait très timide.
- Que ?
- Que tu étais Natacha... Celle que Vaigali a sauvé d'une mort certaine... Et, heu... Celle dont la mère a été tuée ici...
- C'est bien moi. Je suis bien Natacha.
Elle eut un petit sourire gêné.
- Je voulais te montrer quelque chose mais... ne le prend pas mal, hein ?
Elle me conduisit à l'arrière du jardin, dans le petit cimetière du Monastère. Il y avait une petite dizaine de tombes, pas plus.
- Regarde là-bas, dit-elle en désignant une tombe du doigt.
Je regardai dans la direction qu'elle m'avait indiquée. Cette tombe était couverte de fleurs blanches et un nom était gravé en lettres d'or. En regardant bien, je vis que la tombe était en marbre blanc, une pierre extrêmement rare dans notre pays et, évidemment, extrêmement cher. Bien plus cher que le Monastère lui même.
- De qui est-ce la tombe ? lui demandai-je.
- Va voir... répondit-elle simplement.
Je m'avançai vers la tombe. Je ressentis une étrange sensation. Comme de la... tristesse ? De la peine ? Comme lorsque l'on perd un être aimé. Je m'agenouillai devant la tombe malgré la neige et lus le nom. Qui cela pouvait-il bien être ? Je me retournai vers la jeune sœur. Qui n'était plus là. Je fouillai des yeux le cimetière. Disparue. Sans laisser aucune trace. Je regardai de nouveau le nom et là... J'eus comme une révélation.
- Maman... soufflai-je.