S'ENDORMIR
S’endormir dans un grand lit au duvet de plumes de nuit
Et se réveiller au matin encore désorienté
Sans le souvenir en tête des rêves qui sont passés.
Sortir du lit et se traîner jusqu’au pipi.
Allumer la télé, sans prendre le temps de déjeuner
Et regarder le monde couler au fil des actualités.
« Mais où est le capitaine de cette planète de peines ? »
S’interroge-t-on pendant un laps de temps,
Puis on éteint la machine à ranimer les tourments.
Traverser le salon et ouvrir sa fenêtre
En grillant sa première cigarette.
Et comme un coin du ciel est bleu au-dessus des murs gris,
On se dit que s’annonce un beau lundi.
Balancer son mégot et le regarder tomber,
Avant qu’il rebondisse
Sur le toit d’une voiture de police.
Puis refermer et, dans la cuisine, avaler son premier café,
Assis à la table, en écoutant la radio gerber.
Surtout, ne rien prendre de solide,
De peur d’une montée de nausée ou de choper un mal de bide !
Quelque part dans un foie à demi cirrhotique
Demeurent les restes d’une cuite semi-pathétique.
Une douche : savon, shampoing, rasage en un tour de main,
Et nous voilà prêts à affronter le matin.
Retourner dans la chambre, s’y vêtir sans faire de bruit,
Madame Machin est encore assoupie,
Se mater dans la glace en se pinçant la lippe,
Puis un petit tour aux toilettes pour s’y vider les tripes.
Et même si ça ne sent pas la rose,
Pour autant, ça ne rend pas plus morose.
On se souvient simplement, c’est fatal,
Qu’on doit avoir une haleine de cheval !
Brosse à dents, dentifrice
Et frottage jusqu’à ce que les canines soient bien lisses.
Revivifié à la chlorophylle, prêt à mordre,
On frétille, en forme pour cracher sa morgue,
Pour écraser au fil des heures les cons ou pas
Qui ont le malheur de bosser sous son pas !
Petite caresse au chat
Et refermer la porte de chez soi
Avant de dévaler l’escalier avec lourdeur
Malgré ce corps pourtant allégé du poids de son cœur.
D.R.K