Chapitre Dix-Sept
Je me ruai dans la Prison et ne cessai d'appeler les deux Selkies. Pauvre idiote. Un Garde se précipita vers moi.
- Oups... marmonnai-je avant de me mettre à courir sur les tuyaux.
Brusquement, cinq ou six s'ajoutèrent, me talonnant de très près. De trop près. Je commençai à paniquer, des gouttes de sueur dégoulinant le long de ma nuque. Il me fallait un plan, et vite. Je continuai à courir, mes pas résonnant d'une manière sinistre et le cœur affolé. J'eus une idée.
- Faites que ça marche... marmonnai-je en croisant les doigts.
Je piquai un sprint et m'agrippai à un petit robot suspendu dans les airs. Ce dernier se mit à voler dans tous les sens, paniqué, me permettant me m'enfuir au nez et à la barbe des Gardes lilties. Je jetai un coup d'œil amusé en direction des balourds armés qui assuraient la sécurité de la Prison.
Je relâchai le robot et atterris sur la plus haute poutre du sinistre bâtiment. De mon perchoir, je cherchai Denko et Mynt.
- J'espère qu'ils ne se sont pas perdus... murmurai-je.
Je restai ainsi une vingtaine de minutes, à scruter chaque coin et recoin de la Prison. Ma patience fut récompensée. Je vis passer deux silhouettes agiles sautant de tuyaux en tuyaux, évitant de justesse les lasers des robots. Une des deux silhouettes leva la tête vers la poutre où j'étais assise. J'agitai discrètement la main. Les deux ombres me rejoignirent.
- Vous avez retrouvé les Selkies ? me demanda Denko.
- Oui, ils sont sur le pont extérieur avec Greg.
- Tu l'appelles Greg, maintenant ? s'étonna mon ami.
Je haussai les épaules.
- Sortons avant d'être repérés, nous pressa Mynt qui n'avait pas dit un mot jusqu'à maintenant.
Nous nous élançâmes et courûmes jusqu'à la porte de sortie. Grégory et la tribu n'avaient pas bougé. Un enfant selkie s'approcha timidement de moi et tira légèrement sur mon gilet avant de me demander d'une toute petite voix :
- Où est Vaigali ?
Je fouillai des yeux le pont. Aucune trace du chef des Selkies. Ces derniers, qui avaient entendu la question de l'enfant commencèrent à paniquer. Denko et Mynt tentèrent de les rassurer. Une sorte de rugissement retentit au-dessus de nous. Nous levâmes tous la tête. Des Selkies couinèrent. Vaigali se battait avec Jegran. Et personne ne bougea pour aller l'aider.
- Il faut vraiment tout faire toute seule, marmonnai-je.
Je me mis à escalader les parois lisses de la Prison afin d'atteindre l'endroit où se battaient les deux hommes. Grégory m'appela, me demandant de redescendre.
- Natacha ! Je t'en prie !
Je ne répondis pas et atteignis enfin le lieu de la bataille.
- Qu'est-ce que tu fais là ? s'exclama Vaigali. Vas te mettre à l'abri !
- Je ne laisserais pas celui qui a été comme un père pour moi se faire tuer.
Vaigali hocha doucement la tête avant de la tourner vers Jegran, qui riait d'une manière sinistre, presque diabolique.
- Comme c'est touchant ! Le père et la fille qui se disent au revoir !
- Vaigali, ne t'approche pas de sa main droite, murmurai-je à l'intéressé. Il risquerait de te cristalliser.
- D'accord. Tiens. (Il me tendit un petit pistolet.) Sers-toi de ça.
Je pris l'arme et la pointai sur Jegran. Ce dernier avançai dangereusement, sa main écarlate tendue devant lui. Vaigali et moi reculâmes jusqu'à ne plus pouvoir. Jegran était à moins de vingt centimètres de mon visage. Mes dents claquèrent. Soudain, une force surnaturelle me souleva et m'attira en bas. J'atterris violemment sur le pont inférieur... dans les bras de Grégory.
- Lâche-moi ! m'écriai-je. Il faut que j'aille l'aider !
- Tu ne peux plus rien faire pour lui, et nous non plus.
Un cri à glacer le sang retentit : c'était Vaigali. Jegran avait gagné. Il l'avait tué. Des larmes coulèrent sur mes joues et ma gorge se noua. J'éclatai en sanglots et me réfugiai dans le creux de l'épaule de Grégory.