Que sa tête et tout son corps enflent pour atteindre le double de son volume tout comme sa queue. Un coup d’œil vers le matou, ô le voilà qu’il se transforme.
- Chéri Bibi mais qu’est-ce qu’il t’arrive, tu deviens gros comme un cochon, ô crotte de bergamote !
- Cardamone toute mignonne redonne au matou tous ces atouts !
- Ha ! C’est presque ça, sauf qu’il manque les poils !
- Sorcière ! Arrête, j’ai honte, me voici tout nu maou, en présence d’un elfe !
- Pardon Chéri Bibi. Je vais te rhabiller. Fil à toile d’araignée tisse et tisse sans tarder un beau manteau à notre chat préféré !
Petit à petit le corps rasé se couvre d’une épaisse fourrure. Elle est de couleur crème et bouclée. Résultat, un joli petit mouton aux grands yeux verts furibonds. Je feinte un air choqué. A mes côtés l’elfe a détourné la tête. Il cherche une échappatoire pour ne pas craquer.
Allez ! Il me faut trouver autre chose et vite. Rien ne vient…
- Miabèhhhhhhh, bèhhhhh…
J’explose de rire ! Je n’en peux plus, j’en pleure ! Plus que Chéri Bibi s’excite, saute dans tous les sens de fureur en bêlant, plus je ris. Je me laisse tomber dans l’herbe, une main sur mon ventre et l’autre qui essuie mes larmes. J’ai beau vouloir lui dire de se calmer, que je vais tout arranger, aucune phrase correcte ne sort de ma bouche.
- Pff… Vous êtes fous tous les deux… et ridicules ! Et toi le mouton si tu ne mets pas fin de suite à cette mascarade je vais t’attraper, t’écorcher et te donner en pâté aux loups !
Sur ces paroles je me ressaisis. Le pauvre Chéri Bibi en est tombé raide de peur comme mort les quatre pattes en l’air. Paralysé. Je me dépêche pour réciter la formule qui lui redonnera son apparence. En me relevant je n’en crois pas mes oreilles…
Duncan est plié en deux. Il rit aux éclats. Et, son visage se décrispe, s’adoucit, s’illumine ! Ses yeux pleurent de joie, de bonheur comme s’il venait de retrouver un trésor perdu. Sourire. Je garde le silence. Le chat est venu me rejoindre sans râler, sans un mot, il a compris mon petit stratagème. L’elfe s’est remis de ses émotions. Il se livre. Peu à peu sa langue se délie.
- Mon monde s’est écroulé. Mon royaume a sombré dans les ténèbres. Mon peuple s’est évaporé dans l’éther du néant. J’ai choisi de rester, je vis, non que dis-je je survis. Le tien Ashline prend le même chemin. D’autres mondes se sont éteints. Plus de princesse endormie ou prisonnière, plus de dragon ni de prince ou de chevalier vaillant. Une pensée pour le chevalier de ses dames. Plus de licorne, plus de gnome ou de farfadet. Les créatures n’ont qu’une obsession. Nos richesses. Les pensées créatrices du monde parallèle ne parviennent plus à nous et nous mourons peu à peu dans la solitude et l’oubli.
Il lève son regard vers le ciel. Un rayon du soleil d’or a éclairé son visage pendant quelques secondes avant que l’obscurité ne referme ses bras sur nous. Je l’ai vu. Je l’ai vu dans sa splendeur d’autrefois.
- Ne me demandez pas de rester vous savez bien que je ne le peux. J’ai une mission.
Je m’apprête à repartir lorsque sa main se pose sur mon épaule.
- Erina, Silk est passé il y a trois jours, il cherche une terre d’asile. Il se dirige vers la cité des grottes chez les nains dans l’intention de quémander leur protection au royaume de la topaze.
- Merci Duncan.
- Faites attention à vous sorcière et vous aussi félin magicien ! Au revoir mes amis !