Désormais , il était l’homme de la maison. Le matin il se levait bien avant le soleil pour travailler aux champs avant de se rendre à l’école et, en rentrant il continuait souvent jusque tard dans la nuit. Mais il ne se plaignait pas. Il était né de cette terre et elle le faisait vivre.
Les années passaient et il était un jeune homme grand et vigoureux. C’était l’année du certificat d’études. Il courut jusqu’à la ferme pour annoncer à sa mère qu’il était reçu avec mention « très bien ». Elle le regarda en ricanant « Et à quoi ca va te servir pour travailler aux champs ? »
C’était de loin le meilleur élève de son école et le maître vint un jour jusqu’à la ferme. Il proposait de l’inscrire au collège. Vu ses faibles ressources, Louise n’aurait rien à débourser. Tout ses frais seraient pris en charge par l’Etat. Elle lui offrit une fin de non recevoir, elle avait besoin de lui à la ferme « Quand on nait paysan, on le reste toute sa vie ». Le maître repartit, offusqué que l’on gâche ainsi l’avenir d’un enfant qui aurait pu faire de brillantes études. Lucky n’était pas plus déçu que cela, il pourrait continuer à voir Nora, au moins le week end .
Le temps s’écoulait au rythme des saisons et des récoltes. En économisant sou par sou, il avait réussi à acheter un poste TSF, et il apprenait ce qui se passait dans le monde. Il écoutait beaucoup de musique aussi. Les airs à la mode et, ce qu’il aimait par-dessus tout, les chansons d’amour. Il écrivait beaucoup de poème à Nora, mais ne lui montrait jamais, en fait il était très timide. La nuit il rêvait qu’il la sauvait de grands dangers, qu’il était un héros et, pour le remercier, elle se blottissait dans ses bras.
Le samedi, il prenait le vieux pick up de Papy Joe et amenait tous ses amis et Nora au bal. Il ne dansait jamais, se contentant de voir la belle Nora dans les bras de Tony. Il attendait patiemment la fin du bal et ramenait tout ce petit monde chez lui et rentrait, seul.
Il venait d’avoir dix sept ans quand un matin, il fut réveillé par Wolf qui hurlait à la mort. Un mauvais pressentiment l’envahit. Sa mère gisait à côté de la grande table, inanimée. Il sauta dans son pick up pour se rendre chez le vieux médecin. A son arrivée, celui ci ne put que constater le décès de la vieille Louise.
Elle fut mise en terre près de son père. Il n’y avait que le pasteur et Nora pour suivre le cercueil.
Lucky n’était pas majeur et ne pouvait logiquement continuer à vivre ici, seul. Mais il était un peu trop âgé pour aller à l’orphelinat du comté et bien trop vieux pour être adopté. On fit venir le juge et, avec l’accord du conseil municipal, il fut décidé qu’il serait émancipé. Le voilà donc seul au monde dans sa ferme.
Les moissons étaient terminées, la récolte avait été abondante. Il décida de faire une grande fête, où il réunirait tous ses amis et, Nora bien sûr à qui il avait décidé de demander la main