Disjonctée.
Orage au fond de ma psyché.
Dans mon âme, les plombs ont sauté.
Je me retrouve seule, assise dans le noir, trinquant avec mon désespoir.
Commence alors un combat inutile : à tâtons je me faufile, tentant d'extirper une bougie du magma poisseux dans lequel agonisent quelques pensées fracassées.
Mais l'Autre en face ne se laisse pas faire.
Il ne veut pas de ma lumière.
Dans l'ombre il s'enfle et s'étend, repoussant dans les ténèbres ma presque volonté.
Il aimerait ainsi convoquer, à la faveur de l'obscurité, mon plus vieil ennemi le doute, jamais loin pour mettre mon âme en déroute.
Je ne peux pas abandonner, c'est une question de survie.
Dans les ténèbres je ne vois que se découper idées noires sur idées noires, glissant dans le velours accueillant du désespoir.
M’arc-boutant sur quelques certitudes, je lutte, écorchant dans ma rage, pensées idées images.
Je me cogne dans la nuit, brèche creusée sous le souffle de l’ennemi.
Changement de stratégie.
Il semble si doux tout à coup, il me sourit.
Plus question de se battre.
Séducteur il m’appelle, il épouse de mon cœur les battements sourds.
Plus question de bougie.
Pourquoi d'ailleurs s'éclairer? Il est si facile de sombrer...
D'immenses bras se referment sur moi, prison brûlante, solide charpente.
Je me laisse aller, docile, abdiquant ma volonté.
Il porte mon esprit brisé sur d'épineux sentiers.
Mes doigts sont écorchés par la lutte que je viens de mener.
Il les prend dans sa bouche, lèche mes plaies, m’arrachant un frisson dans un fiévreux supplice.
Ce que j'attendais venin devient élixir, je n'ai plus de frontières et me donne tout entière.
Je glisse et je fonds sous ses lèvres, sensuel précipice.
Soudain coule en moi la sève du pire, donnant vie à ce qui n'en a pas, à d'intimes goules qui m'aspirent et m'entraînent dans un caveau humide et froid.
Les plombs ont sauté, ai-je définitivement disjoncté?