Le soir venu un museau vient fureter aux ouvertures de l’abri ; ce n’est qu’un hérisson curieux.
Monsieur Musaraigne s’assure que l’animal ne cherche pas de nourriture. Mais non, il a déjà fait bombance, et ne souhaite qu’un peu de compagnie.
Papa Musaraigne qui ne veut plus partir sur les routes sans toit, a une idée géniale : il demande au hérisson s’il serait d’accord pour tracter la carapace jusqu’à ce qu’il découvre un village de rongeurs où lui et sa famille pourront vivre en paix.
Le hérisson accepte, il promet même d’être prudent ; il ne marchera que sur le bas côté de la route, et ne la traversera jamais.
Alors Monsieur Musaraigne sort ses outils et installe un système de roues en bois sous la carapace, ensuite il bricole un harnais et il attèle le hérisson.
Les voilà partis, et c’est un bien curieux attelage qui prend la route ce deuxième soir !
Les souris sédentaires accourent, les rires et les quolibets fusent…en entendant les cris, toutes les souris sortent de leurs maisons et s’attroupent autour du hérisson et de la famille Musaraigne.
- Venez-voir les gitans !
- Ce sont des gitans qui passent !
- Regardez la petite fille en jupe violine !
- Eh ! Esméralda t’as une belle roulotte ! Tu nous la fais visiter ?
Mamusette devient toute rose et répond :
- Ce n’est pas une roulotte, mais une carapavane ! et elle fait mine de danser le flamenco.
Les badauds lancent alors des noisettes sur les musaraignes. Micmolet en colère renvoie les projectiles par de belles reprises de volées – Faut pas croire, il s’entraîne au foot avec son papa ! Du coup, afin d’ éviter les tirs en retour en pleine figure, les souris reculent laissant plus de place pour le passage du hérisson.
L’ami de la famille a marché toute la nuit jusqu’à ce qu’il arrive, au petit matin, aux abords d’une décharge municipale.
- Nous allons passer le jour ici, et j’irai m’approvisionner en nourriture, dit papa Musaraigne.
Une journée longue et pleine d’angoisses commence alors : des chats errants viennent tourner autour de la carapavane, les camions bennes vont et viennent faisant vibrer l’abri.
Maman se demande toute la journée si le hérisson sera au rendez-vous le soir venu.
Papa est bien revenu, il a échappé aux chats et la famille s’est régalée. Ils ont mangé assis en cercle comme des indiens dans la petite carapace maison. Après le repas, Micmolet a caressé son petit ventre rond et a dit :
- Je fumerais bien un calumet de la paix avec les chats qui rôdent moi maintenant !
- Eh bien moi, répond Mamusette, puisque tout le monde dit que je suis une gitane je vais voir dans ma boule de cristal si ces affreux matous auront disparu ce soir ! et elle retourne son verre ; le tenant dans ses mains tendues, elle regarde avec attention au travers …
- Ouiiii ! .ils seront tous partis, occupés à courser les souris qui se sont moquées de nous la nuit dernière !
Les musaraignes sont restées enfermées dans la carapavane jusqu’au début de la nuit…les enfants, le nez aux ouvertures ont guetté le retour du hérisson.
- Il arrive ! crie tout à coup Micmolet.
Le hérisson n’a pas oublié ses amis. Une promesse est une promesse.