Chapitre Deux
Tout le monde était très heureux. Eustache m'offrit un ravissant collier d'émeraudes, qui mettait en valeur mes yeux. Henry m'offrit quelques livres, de Voltaire, de Jules Verne... Uniquement les livres que je désirais depuis fort longtemps. Quant aux domestiques, trop pauvres pour acheter des cadeaux, ils me souhaitèrent de passer une bonne quinzième année. Père ne sortit pas de son bureau. Au moment de souffler mes bougies, je formulai mon vœu à voix haute :
- Avant mes 16 ans, j'effectuerai une grande aventure. Si grande qu'on en parlera encore dans 100 ans !
Ils s'étaient un peu moqué de moi, mais moi, je soufflai mes bougies, confiante en l'avenir.
Quittant l'euphorie générale que provoquait mon anniversaire, je me glissai jusqu'à la porte du bureau de mon père. Je toquai et, n'entendant rien, je poussai la porte avec appréhension.
- Père ?
Un gémissement me parvint. Assis au fond d'un fauteuil, Père se tenait la tête à deux mains.
- Père... Je... Je ne voulais pas...
- Non, Aliénor, ce n'est pas votre faute. Approchez.
J'avançai vers lui, un peu gênée et également piquée par la curiosité.
- Oui ?
- Durant quatre ans, je me suis terré ici, seul, n'acceptant comme visite que les domestiques qui m'apportaient mes repas. Je vous ai presque oubliés, vous et vos frères.
- Nous avons appris à nous entretenir seuls, vous savez...
- Il n'empêche. J'aurais dû m'occuper de mes enfants. Jane n'aurait pas été contente... Et puis, vous êtes si grands à présent. Quels âges avez-vous ?
- Hum... Eustache a 23 ans, Henry, 18, et moi, je viens de fêter mes 15 ans.
- Oui, j'ai entendu votre vœu, Aliénor...
Il soupira et gémit, comme s'il souffrait.
- Père, qu'avez-vous ?
- J'ignore quel mal m'a pris. Je sais que je n'en ai plus pour très longtemps...
- Il ne faut pas dire cela ! Vous allez vous attirer la malchance !
A ces mots, je m'approchai. Il se leva, difficilement, et avança vers sa bibliothèque. Je l'observai, anxieuse. Il sortit trois livres et saisit une boîte cachée derrière.
- A ma mort, Aliénor, je sais que vous n'aurez que très peu de biens. Eustache aura une grande partie de ma fortune, ma banque. Henry aura l'autre partie, et vous...
- J'aurai votre souvenir ! me défendis-je. C'est bien plus précieux qu'une somme d'argent !
- Aliénor, votre vœu est de vivre une grande aventure. Les gens trouvent cela déplacé mais moi, et vos frères aussi sûrement, nous croyons en vous. Tenez, dit-il en me tendant la boîte. Ceci est mon bien le plus précieux.
Je saisis la boîte et l'ouvris.