Fragment de rien
Moi aussi, je voudrais changer tout cela
Comme tant d’autres autour de moi.
Je ne le fais pas.
Je ne possède aucun pouvoir
Autre que celui de gueuler dans le noir.
Alors, je distribue des mouchoirs.
« Ne savez-vous pas que l’espoir de vie grandit ?
Que jamais plus riche n’a été notre pays ?
Que vous disposez d’un droit au crédit ? »
Pourtant, tout converge vers la mort
Si bien que je m’étonne de croire encore
À l’avènement d’une nouvelle aurore
Les choses échappent à la compréhension,
Se dissolvent dans la complexification,
Se dérobent à l’approche d’une solution.
Et l’humanité folle court après elles,
Veut régir l’avenir et se donner des ailes,
Conquérir les planètes, le cosmos éternel.
Elle rêve de destinations inaccessibles,
De trouver des remèdes dans les bibles,
De maîtriser une science infaillible.
Pourtant, les pieds dans la fange,
Elle laisse pourrir de petits anges
Pour ne pas nuire au libre-échange.
L’infiniment est si grand et si petit
Qu’on se noie en y plongeant son esprit,
Car jamais on n’y trouve de répit.
Alors, on dresse des murs, des barrières
On s’invente des paradis, des enfers
Pour mettre des bornes à l’Univers.
Enfin s’apaise l’ivresse du vertige
Inspiré par les extraordinaires voltiges
Des galaxies et des autres prodiges.
Alors s’enfuit la peur et nait la certitude,
Réconfortante comme une chaude béatitude.
Arrive donc l’heure de l’aveugle servitude.
La foi ne sert à rien,
Elle enferme la réalité dans un écrin,
Se substitue à nos frayeurs, à nos chagrins.
Elle file les pensées, en fait des cordelettes
Qui montent au ciel en partant de nos têtes.
L’on se croit libéré, l’on devient marionnette.
« Adulons le prêcheur !
Lui sait le chemin qui conduit au bonheur !
Devenons les abeilles, il est l’apiculteur ! »
L’on se pense être plus qu’animal,
Être du monde la beauté cardinale,
Pourtant tout en nous aiguise le désir bestial.
DRK