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 Ma vie en cinq sec (2)

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Karoloth
Poète
Karoloth

Messages : 884
Date d'inscription : 12/12/2010
Localisation : Draveil

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MessageSujet: Ma vie en cinq sec (2)   Ma vie en cinq sec (2) EmptyMer 12 Oct - 19:34


Ma vie en cinq sec (2)


On dit que les vieilles habitudes sont les meilleures. Je ne sais pas si c’est la vérité. Parfois, je m’interroge sur celle qui m’incite à avaler deux à trois litres de bière par jour. Je me demande même de temps à autre si je n’ai pas un petit problème d’alcoolisme. Bon, généralement, ça ne dure pas très longtemps. Quand ce genre d’idées me vient en tête, cela veut simplement dire qu’il est temps que je boive un coup. Alors je m’installe dans mon fauteuil, j’allume une gitane et je débouche une cannette. La retraite a du bon lorsque, comme moi, on n’a pas vraiment de soucis d’argent. Ho, je ne prétends pas rouler sur l’or, mais j’avais une maman prévoyante et économe, si bien qu’à sa mort, elle m’a laissé un petit magot qui me donne encore le temps de voir venir. Faut croire que le petit Français en avait plus sous le coude qu’il n’y paraissait. Je n’ai jamais bossé beaucoup. Lorsque j’ai eu quatorze ans, ma mère m’a mis en apprentissage chez un plombier du quartier. Trois ans, ça a duré. J’en suis sorti avec un diplôme professionnel qui m’a permis de bosser à droite et à gauche jusqu’au jour de l’appel pour le service militaire obligatoire. À dix-huit ans, j’avais opté pour la nationalité française. À l’époque, ça ne rigolait pas. La guerre d’Algérie, les évènements comme on disait en ce temps là, venaient de se terminer et des types se faisaient encore descendre là-bas. Encore un peu plus et j’aurais pu tirer le gros lot et gagner le droit d’aller me faire tuer, avec les honneurs militaires, comme beaucoup, de l’autre côté de la Méditerranée.
Avant de recevoir ma feuille de route, je pensais partir en Allemagne, comme Johnny, mais au lieu de ça, je pris la direction de la Bretagne. Je suis resté dix-huit mois à Rennes, à quelques choses près. Ce n’est pas une période qui m’a laissé des souvenirs impérissables. Je me souviens vaguement des visages des quelques potes que je m’étais faits là-bas. Je ne me rappelle pas les noms de la plupart d’entre eux et ceux qui sont restés gravés dans ma mémoire l'ont été pour des raisons secondaires, comme Poulain par exemple dont on se doute pourquoi je l’ai toujours en tête. Mes souvenirs de cette époque font remonter des images de corvées, de nettoyage de chiottes, de marches forcées dans la campagne, de gardes de nuit sur le chemin de ronde d’un entrepôt d’armes, dans le froid. Dieu ! Comme on se sent vivant dans ces instants là ! Quoi d’autre encore ? Le souvenir d’un ennui mortel, celui des heures passées à rechercher les meilleures planques pour buller. Le souvenir seul heureux des moments passés au foyer avec les bons copains de chambrée. Qu’est-ce que j’ai pu picoler là-bas ! Toutes nos soirées libres on les passait là, à jouer au baby-foot et au flipper en se tapant des bières. Souvent, ça finissait en dégueulis dans une cuvette ou dans un caniveau lorsque nous étions de sortie en ville.
Certains avaient de la chance, ils avaient réussi à se faire une petite amie, on les voyait moins traîner les bars ceux-là. Pour les autres, il restait la biture et quelques putes qui officiaient du côté de la gare, pas de toute première main, mais bon, c’était toujours mieux que la branlette. Moi, ma copine, c’était ma chopine.


De retour à la maison, après la quille, je repris ma petite vie d’avant. Comme j’avais entamé mon service militaire en décembre soixante-quatre, c’est vers la fin du printemps soixante-six que j’ai dû retourner au civil, ou peut-être avant, je ne sais plus, c’est dire comme l’évènement a marqué mon existence. Ma maman était toute contente de me savoir présent. Mon absence pendant ces longs mois lui avait paru être une éternité, il faut dire que durant tout ce temps, elle avait dû rester seule dans sa vieille baraque, seule avec le clébard qu’elle avait ramassé sur le bord d’une route. C’était un gros berger allemand, race très à la mode à l’époque dans ce pays depuis que les troupes de fiers conquérants en avaient fait la promotion au début de la décennie précédente ou plutôt de celle d’avant. Ce con avait failli me bouffer lorsque j’étais revenu en permission l’une des premières fois. Depuis, j’avais comme qui dirait gardé une dent contre lui et je lui réservais un chien de ma chienne pour rester dans la métaphore canine. A l’évidence et même si une trêve s’était installée entre nous à la suite de cette première confrontation, il me détestait tout autant que je le méprisais. D’ailleurs, il ne manquait jamais me le signifier par un grognement sourd lorsque je m’approchais de trop près de lui ou de ma mère.
Il ne survécut pas longtemps à mon retour. Deux semaines après celui-ci, il mourut mystérieusement empoisonné. Ma mère en ressentit un certain chagrin et je lui promis de faire payer le coupable de ce crime immonde si j’arrivais à lui mettre la main dessus. Bien entendu, personne ne sut jamais qui avait refilé de la mort au rat enveloppé dans un bon morceau de viande à ce valeureux gardien, hormis moi. Mais bon, il y a prescription depuis.

Le boulot ne manquait pas dans ces années, ce n’est pas comme aujourd’hui où les gens pleurent pour se faire embaucher. Là, il suffisait d’ouvrir le journal à la page offre d’emploi pour voir des centaines d’offres s’afficher. Il n’y avait que l’embarras du choix. L’avantage était que lorsque l’on était un peu fainéant comme moi à l’époque ou plus euphémiquement peu motivé pour se lancer dans le bastringue de la vie professionnelle, on pouvait toucher ses indemnités de chômage sans soulever l’ire de l’administration et buller autant qu’on en avait le désir. La vie était belle alors. J’avais retrouvé quelques-uns des potes que j’avais laissés en partant pour Rennes, très peu, plusieurs avaient quitté la région pour Paris, d’autres s’étaient mariés et étaient donc morts pour la « déconnade ». Bon, ce n’était pas les meilleurs. Nous étions une petite bande de fêtards et nous passions la plupart de nos journées dans les bistrots à jouer au billard ou à faire des parties de tarot en sirotant bière, pastis ou whisky selon l’heure qu’il était, le temps qu’il faisait ou selon l’état d’esprit du moment. De temps à autre, quand on était un peu bourré, on faisait une virée dans les bars à bougnouls et on s’offrait une petite ratonnade. Mais bon, parfois il y avait du répondant et à plusieurs reprises, nous avons eu très chaud. Des lames surgissaient des poches, couteaux à cran d’arrêt, rasoirs ! Si bien qu’à la fin, après que l’un de nous se fut bien fait esquinté, au point qu’il dut passer trois jours à l’hôpital, nous nous rabattîmes sur des proies réputées plus faciles. La chasse aux pédés était ouverte en toutes saisons et je dois avouer que nous en avons tabassé pas mal. Mais, là aussi, tout plaisir, si bon soit-il, finit par lasser.
Un jour, quoi qu’on veuille, les potes finissent par disparaître, happés par la vie ou la mort. Certains se sont mariés à leur tour, les cons, enfin, c’est ce que je pensais à l’époque, d’autres sont tombés dans la barrique et puis deux ou trois ont passé l’arme à gauche. L’un est mort d’une cirrhose aux effets fulgurants, on l’a vu dégringolé en quelques mois seulement, un autre a eu un accident de voiture et le troisième est mort d’une maladie nouvelle à l’époque, une overdose. Oui, je sais, ce n’est pas une maladie, mais pour nous, en ce temps-là, c’en était une.

Ah ! Voilà la soif qui me reprend de repenser à tout ça…

DRK
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http://drkaroloth.centerblog.net/1-La-porte-de-Juillet
féfée
Poète
féfée

Messages : 2481
Date d'inscription : 10/11/2010

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MessageSujet: Re: Ma vie en cinq sec (2)   Ma vie en cinq sec (2) EmptyMer 12 Oct - 23:02

Contente qu'il y ait une suite ! Very Happy
L'ambiance d'une époque, j'aime beaucoup ! J\'aime !
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