Dehorian Poète
Messages : 121 Date d'inscription : 08/04/2011 Age : 43 Localisation : France
| Sujet: Rencontre Mer 9 Nov - 15:08 | |
| Il fait froid et elle est fatiguée. Elle n'a qu'une envie, rentrer chez elle. Et ce foutu métro qui s'est immobilisé entre deux stations, à cause d'un "incident technique". Encore un pauvre type qui a décidé d'en finir en se jetant sur les rails, oui.
Et pourquoi faut-il que tous les hommes présents dans le wagon la regarde ainsi à la dérobée, aussi peu discrets qu'une nuée de vautours prêt à s'abattre sur une bête agonisante? Sont-ils donc tous à ce point obsédés que même une fille comme elle puisse satisfaire leurs appétits? C'est à pleurer en fait. Ils sont tous si pathétiques.
Enfin, il y en a bien un qui n'a pas fait mine de la mater pour être tout à fait juste. Celui-là, là-bas, assis sur le strapontin. Pourtant, elle l'a vu faire, il a dévisagé tout le monde dans le wagon. Il s'est même longuement attardé sur un vieux papy complétement absent. Mais elle, il l'a simplement ignorée. Elle s'en est presque vexée sur le moment, mais là, en y resongeant, elle se demande si c'est parce qu'elle le regardait, lui.
Et la voila qui, s'en même s'en rendre vraiment compte, le détaille. Difficile à dire s'il est grand ou petit, vu qu'il est assis, mais il de grandes jambes qu'il a déployé devant lui, croisées au niveau des chevilles. Il est mince, en tout cas. Athlétique, visiblement, même si les vêtements trop noirs et trop amples qu'il porte pourraient laisser penser qu'il est juste maigre. Une impression accentuée encore par son visage presque have et ses lunettes en métal qui dissimulent le bleu de ses yeux ainsi que par sa coiffure, sorte de vague carré mi-long.
Il a aussi de grandes mains aux longs doigts de pianistes occupées à tenir un livre qu'il semble survoler tant il en tourne rapidement les pages. Un minimum d'effort et elle parvient à en déchiffrer le titre: "Le joueur d'échecs" de Stefan Zweig. Un livre qu'elle connait pour l'avoir lu en Terminale et qu'elle se souvient avoir trouvé étrange et déconcertant. Ce qui étant donné le contexte pourrait s'appliquer à son lecteur du jour.
Un lecteur qui semble soudain se rendre compte qu'elle l'observe éhontément et vient poser son regard dans le sien. Et il y a, dans ce regard, quelque chose de complétement déroutant. Quelque chose quelque chose qu'elle n'avait encore jamais vu chez qui ce soit. Une sorte de... de furie contenue, de rage à moitié ensevelie sous une couche d'indifférence glaciale.
Mais il y a aussi autre chose, quelque chose de si fugace qu'elle aurait pu le manquer et s'arrêter aux prémices du mouvement de recul que lui a inspiré la colère qu'elle a lu en lui. Mais quelque chose qu'elle a perçu néanmoins. Comme un besoin, le besoin de chaleur humaine et de réconfort. Le besoin d'aide, tout simplement.
C'est fou, se dit-elle, sans pour autant parvenir à détacher son regard de celui de l'homme, où point désormais quelque chose ressemblant à de l'amusement, mais le fait est, c'est exactement ce qu'elle ressent. L'impression d'avoir pu écarter un instant le voile de son âme et voir en lui tout ce qu'il y avait à voir.
C'est fou, oui, mais peut-elle se convaincre du contraire? Non. Ce ne serait pas fou si elle le pouvait, n'est-ce pas? Cependant elle ne fait rien. Elle se contente de rester là, les yeux plongés dans ceux de cet inconnu, avec l'impression de devoir l'aider, sans autres raisons que parce que son instinct lui hurle qu'il a en a désespérément besoin, de cette aide.
Et lui qui la regarde aussi, de l'étonnement, maintenant, inscrit dans le bleu délavé qui perce au travers des lunettes. Comme si il se demandait s'il avait fait quelque chose. Mais de l'amusement quand même, un peu froid, mais réel. Et c'est sans doute à son tour d'avoir l'étonnement au fond des yeux, quand elle se demande pourquoi elle ne peut pas arrêter de le regarder ainsi.
Oui car voila, elle n'a plus du tout froid, là maintenant. Pas plus qu'elle ne se sent le moins du monde fatiguée. Elle se sent simplement l'envie d'en savoir plus sur lui. De tout savoir sur lui. Elle ne songe plus du tout à ce foutu métro qui ne veut pas repartir, ni même à tous ces mâles pervers qui la reluquent sans vraiment se gêner, non. Elle ne songe plus qu'à lui. Et lui... lui il ne bouge pas...
***
Elle le regarde. Ça doit bien faire une bonne minute qu'elle le regarde fixement, sans bouger un muscle, comme figée par quelque chose s'apparentant à la stupeur. Un instant il s'est demandé s'il avait fait quelque chose, mais il a bien vite écarté cette idée. Non, à la réflexion. Il n'a rien fait, à part s'asseoir tranquillement et lire. Pour une fois, d'ailleurs, songe-t-il in petto. Il a même payé son ticket, selon l'adage qui veut qu'une fois ne soit pas coutume.
Ou alors, c'est quelqu'un qu'il est censé connaître et qui va s'obstiner jusqu'à ce qu'il la reconnaisse. Vu qu'il a changé de ville après... après l'accident, les probabilités sont minces, mais il pourrait s'agir de ça, malgré tout. Un instant il se demande s'il doit aller vers elle et lui expliquer la situation, mais c'est là que le métro se décide à repartir, mettant fin à cet... échange visuel entre eux et les projetant lui vers le le fond de la rame où son dos vient cogner contre la parois d'acier derrière lui et elle en avant au point qu'elle manque en tomber.
Un temps et dans le soupir de soulagement collectif qui émane des passagers, il l'examine à la dérobée. Et la première pensée qui lui vient c'est "quel gâchis". Et en effet, c'est un authentique gâchis que de voir une telle beauté être aussi peu mise en valeur, se dit-il en jaugeant d'un œil presque attristé ce corps qu'il devine parfait sous les vêtements mal assortis et trop ample qu'elle porte, des vêtements aux couleurs ternes qui parviennent à la rendre quelconque pour celui qui ne la regarderait pas vraiment.
Seulement pour lui, quelconque n'est véritablement pas le mot qui convient en ce qui la concerne. Non, bien au contraire. Quelque chose en elle vient toucher une partie de lui qu'il croyait morte depuis près de six mois maintenant. Est-ce donc les courbes parfaite de son corps, qu'il devine aisément malgré le pantalons bouffant et la chemise une taille trop grande qu'elle porte, ou bien est-ce la finesse de ses traits, presque déformés par cette chevelure d'ébène assujettit à une coupe se voulant sans doute pratique mais si loin de rendre hommage à la pureté presque noble de son visage que c'en est presque à pleurer? A moins que ce ne soit son attitude, presque complétement renfermée sur elle-même alors qu'il lui semblerait, à lui, naturel de la voir occuper tout l'espace et trôner sur cette vieille banquette sale comme une reine sur son trône?
Quoiqu'il en soit, c'est suffisant pour qu'il soit plus qu'intrigué. Là, il n'a qu'une envie: savoir qui elle est. Oh, il y a bien évidemment une pointe de désir dans cette envie, mais ce n'est pas réellement ce qui prédomine. Non, son émotion dominante, en cet instant, c'est une intense curiosité. Ainsi que des mots qui viennent presque malgré lui s'imposer dans sa tête, un peu comme un refrain entêtant. Quelque chose qui demande encore à prendre forme mais sur lequel il n'a pas le temps de s'attarder puisque le métro arrive enfin à une station. La sienne en l'occurrence.
Une hésitation. Va-t-il descendre ou bien attendre de voir ce qu'elle va faire? Une hésitation qui ne dure pas, puisqu'elle décide pour lui en se levant et en se dirigeant vers la porte à côté de laquelle il est assis. Cependant elle ne fait pas mine de le regarder, cette fois. Au contraire, elle affecte une indifférence qu'il sait parfaitement feinte.
Et c'est sur un demi-sourire moqueur en constatant que même malgré sa petite taille elle parvient à presque le prendre de haut qu'il se lève à son tour, la dominant désormais de toute sa hauteur mais sans sembler attacher d'importance à sa présence juste à côté de lui.
Un temps. Puis le métro qui finalement s'immobilise. Et quelqu'un à l'extérieur qui ouvre la porte. Puis cette question qui lui traverse l'esprit. Et maintenant? |
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féfée Poète
Messages : 2481 Date d'inscription : 10/11/2010
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Baba yaga Poète
Messages : 950 Date d'inscription : 06/07/2011 Age : 52 Localisation : au fond d'un bois de blancs bouleaux
| Sujet: Re: Rencontre Mer 9 Nov - 16:06 | |
| oups! déjà l'arrêt! j'avoue que je n'ai pas du tout envie de descendre de la rame! Ne nous fais pas trop attendre la suite! |
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lutece Administrateur-Poète
Messages : 3375 Date d'inscription : 07/11/2010 Age : 67 Localisation : strasbourg
| Sujet: Re: Rencontre Jeu 10 Nov - 17:29 | |
| J'aime ces rencontres, fugaces peut etre, mais qui marquent. (J'epère également qu'il y aura une suite) |
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Damona Morrigan Fondatrice d'Alchemypoètes
Messages : 4544 Date d'inscription : 06/11/2010 Localisation : Dans la cabane de la sorcière blanche sur l'île d'Emeraude
| Sujet: Re: Rencontre Ven 11 Nov - 13:42 | |
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