Chapitre Vingt Et Un
Grégory me regarda et hocha doucement la tête, avant de tendre son bras, prêt à activer un champ magnétique protecteur. Il abaissa soudainement son bras et, saisissant le mien, murmura :
- J'ai une meilleure idée. Allez tous vous cacher.
- Je viens avec vous.
Denko s'était avancé, ses mains toujours posé sur mes épaules. Cid et Mynt se retirèrent et se cachèrent derrière le comptoir de l'entrée, sans un mot. Tournant la tête vers la porte, nous pûmes enfin voir l'armée de Jegran et Jegran lui-même. Le sourire cruel et mauvais qu'il arborait à chacune de nos rencontres était toujours sur ses lèvres. Il était persuadé que je perdrais.
Les garçons et moi avançâmes, déterminés. La commissure de Grégory se mit à briller et mon épaule commença à me faire souffrir. Mais la colère que je ressentais vis-a-vis de Jegran était bien plus grande que cette douleur. Je fis signe au Selkie et au Clavat de rester derrière. Je fis quelques pas et me retrouvais à à peine un mètre de Jegran. Il tendit deux doigts de sa main de cristal vers moi. Je saisis brutalement son poignet.
- Pas cette fois, Jegran. Ou plutôt... Papa ?
Le dernier mot de ma phrase le fit sursauter et il recula, une expression nouvelle dans les yeux.
- J'ai tout compris, Jegran, tout. Je sais enfin qui je suis, ce que je suis... Qui tu es. Je sais que je n'ai pas le pouvoir de ma mère et que tu en avais peur. Oui, tu avais peur que je sois en mesure de tout changer en cristal, même toi, si je le voulais. Si tu avais un peu étudié quelles seraient les conséquences de ton pouvoir et celui de ma mère, peut-être serait-elle toujours en vie. Ou alors... Peut-être l'aurais-tu tuée quand même, pour faire de moi la soigneuse de ton armée (Il écarquilla les yeux). Oui, je suis capable de soigner. Etonnant, n'est-ce pas ? Explique-moi maintenant... Quelle est la suite de ton plan, maintenant que tous ceux que j'aimais sont morts et que tu sais que tu as fait tout cela pour rien ?
Jegran eut un rictus hideux de colère. Il me bouscula violemment et alla saisir Denko à la gorge. Grégory n'eut pas le temps de l'aider qu'il se retrouva avec un canon de fusil sous le menton.
- Ils ne sont pas tous morts, ma chère, déclara Jegran, très calme et serein. Tu n'as pas ce pouvoir ? Tant pis. Je vais t'apprendre autre chose.
Il s'approcha de moi, tenant toujours Denko en l'air.
- Tu es la fille illégitime de ta mère. Elle était mariée, et pas à moi.
La nouvelle me fit l'effet d'une douche froide. Je demeurai sur le sol de Pontville, abasourdie et incapable de dire quoi que ce soit.
- J'ai séduit ta mère, je l'ai forcée à m'aimer. Je lui ai fait croire que son mari avait été déchiré et laminé par les coyotes des Friches. Et elle m'a cru. Quelle sotte !
Une larme pointa au coin de mon œil. Je la sécha d'un revers de manche, je refusais que Jegran me voit pleurer. Il insultait ma mère, il la déshonorait. Peu m'importait qu'elle est été infidèle, elle ne l'a été que parce qu'elle se croyait veuve. L'ordure dans l'histoire, ce n'était pas ma mère, c'était Jegran. Je me relevai fièrement. Ce qu'il venait de dire sur celle qui m'avait portée neuf mois, qui m'avait donné la vie et qui m'avait aimée tant qu'elle l'avait pu m'avait rendu ma force.
- Tu me dégoûtes, crachai-je au Lilty. Comment est-ce que je peux être la fille d'un monstre pareil ?
- Tu tiens de moi, chérie, murmura-t-il.
- Je t'interdis de l'appeler comme ça...
Jegran jeta un regard incendiaire à Denko, la gorge toujours prisonnière, et resserra son emprise.
- Lâche-le Jegran, dis-je, menaçante et prête à défendre Denko coûte que coûte. Tu m'as retiré mes parents, tu m'as retiré mon amie, mais jamais, tu entends ?, jamais tu ne me retireras mon frère !
Je sortis le pistolet que Vaigali m'avait donné avant de mourir et le pointai sur Jegran. Je songeai aux dernières paroles qu'il m'avait dites : Je ne veux pas que ma fille soit une criminelle, même si elle tue le pire Généralissime de tous les temps.
- J'accomplirai ce que tout un peuple a toujours rêvé de faire, déclarai-je tout haut.
- Ah oui ? demanda Jegran.
Il tourna les yeux vers Denko qui était devenu bleu à force de suffoquer.
- Natach...
- Denko ! hurlai-je avant d'entendre le coup partir.
Jegran s'effondra sur le sol, inerte. Les soldats partirent en criant de Pontville et empruntèrent le chemin qui menait à la Gare du Désert, située à l'Est de l'atelier. Je me jetai sur Denko, qui avait perdu connaissance.
