Elle va se poser et vous raconter tout...
Tout ce qu'elle a dans sa tête bien au chaud, bien profond, bien ancré je dirais même bien encré.
Elle vire du bleu azur au bleu nuit cette encre et elle voyage sur des lignes azur et mauve en passant par du rose guimauve mais ça c'est une autre histoire dans l'histoire.
D'une vie à l'autre Prime
Au début, elle ne se souvient pas bien, comme si toute sa mémoire avait zappé sa prime enfance, celle qu'on chérit et qu'on aime à caresser comme un chat lové bien au fond des neurones.
Elle, son chat il sort les griffes tout le temps, il a pas de temps mort, il est prêt, à l'affût, il guette, c'est un chat hérissé, le poil dru et l'oeil vif.
Ce chat là il craint la caresse, la main du maître qui ne vient pas par amour mais pour chasser, alors oui, elle est ce chat là.
Une famille, pas drôle, même pire, des clans, le père la fille, le fils la mère. Malheur à elle, qui n'était pas dans le clan des gagnants, alors y a fallu faire avec, surtout qu' elle n' a jamais traîné une âme de vaincue.
Elle se souvient du tambour escaladé pour atteindre la fenêtre et voir l'intérieur de la cuisine, une p'tite baraque faite de bric et de broc et qui sapait le moral de sa mère. Le tambour abîmé, sa mère excédée, son frère protégé.
Bref, sa mère ruminait toute cette misère, c'est vrai que c'était glauque comme entrée en matière ce bled, le bled de sa jeunesse.
Les grands-parents pas loin dans la cour, maison trop grande pour deux vieux et deux grands en partance. Mais voilà ! Eux devaient se contenter de la pissotière dans la cour, le pot de chambre à vider tous les matins, le seau à charbon, pour un peu de chaleur dans l'hiver rude de l'Est.
Ah oui les bains dominicaux au milieu de la cuisine, une bassine bleue immense, des casseroles d'eau bien chaude, un bain où se relayaient le frère et la soeur dans cette jouvence du dimanche matin.
Longtemps la toilette fut celle des chats, le gant, la bassine, la douche est venue bien plus tard vers 16 ans, comme la télé, 11 ans et le téléphone, bah ! Ça elle croit bien qu'elle était déjà plus chez eux.
Voilà , on peut dire que les finances familiales ont toujours été tirées à hue et à dia et que son frère et elle en ont eu vite marre des problèmes de frics et de non amour.
Enfin, elle plus vite que le frère !
Elle aimait juste une fête, Noël, c'était grandiose ! Comme si on rattrapait tout le médiocre de l'année, c' était son orange à elle.
Le manque d'argent a toujours été obsédant pour sa mère, son père en avait pris son parti et se noyait dans la lecture et l'alcool au grand désespoir de sa mère qui le haïssait pour tout ce qu'elle endurait.
Ces deux là ils étaient partis sur de mauvaises bases dés le départ et ils n'ont fait que les consolider, des trapézistes du non dialogue, forcément ça se casse la gueule un jour ou l'autre ! Et ça éclabousse.
Elle a jamais eu d'atomes crochus avec sa mère, des univers complètement différents, son père lui ressemblait, elle le savait maintenant ; peut être pour ça aussi que sa mère la fuyait.
La colère elle l'a envahie longtemps et encore. Dieu sait qu'elle en ai fait des bêtises pour attirer l'attention , mais on n'attire que les emmerdes et pas l'oeil de celui qui est indifférent, alors elle rejette la mère pour tous les nons dits, la non acceptation des erreurs.
Enfance chaotique, école difficile pour elle, trop intériorisée, sentiment d'abandon, aucun point d'ancrage trouvé dans la famille proche pour compenser.
Elle a grandi cahin-caha, à la va vite, une grande tige toute triste et pensive, bourrée de complexes et de doutes, en mal d'amour.
Des blessures d'amour propre qu'on salit et qu'on piétine, car elle n'était qu'une gosse et qu'un gosse est sensé ne rien comprendre, sauf qu'elle percevait tout, même l'insondable.
Vite, elle sait qu'elle importe peu pour l'autre, la mère qui est ailleurs et le père qui se noie, alors elle rêve, son imaginaire la sauve, la transporte et elle commence à modeler ce qui va la suivre toute sa vie, le spleen de son existence qu'elle tient à bout de bras.
Elle va grandir des doutes sur les autres, sur l'amour, l'abandon va être son compagnon le plus fidèle et revenir tout au long de son existence, aux instants critiques, une vague éternelle sur le revers de son coeur.
Si les affinités se créent au sein d'une famille, elle peut dire qu'il n'en fut pas le cas pour elle, ou de brèves et pas toujours saines. Il est des êtres qui passent sans attache aucune et courent vers leur avenir sans laisse, elle en fait parti.
Peut être avantageux par certains côtés, mais traumatisant dans l'adversité.
De l'enfance donc, rien que des souvenirs maladifs et parfois un peu de rose, les jours de fête où sa mère enlevait son masque de douleur pour afficher un peu plus de légèreté, bien peu dans une vie d'enfant.
Son frère, des jeux qui finissaient toujours en eau de boudin et puis peu de goûts communs, une mère omniprésente pour lui, une mise à l'écart pour elle, un père absent.
Que lui restait-il ? Le dessin, la musique, elle s' y raccrochait comme le perdu à sa boussole.
Elle s'y retrouvait finalement et elle aborda la phase pubère dans un état d'esprit déjà très ambivalent.
