Qui est cette étrangère qui me sourit et qui pleure quand je ris ? Dans quelle langue mugissent ses silences et sa folie? Quel pays abrite ses lubies? Au sortir de la nuit je la vois dans la glace, à peine crois-je la saisir que la buée l'efface.
Quelles valises traîne-t-elle derrière ses pas pressés ? Elle a donné un tour de clé à la consigne, mais qu'a-t-elle abandonné sur ce quai d'une vie en sursis ?
Elle me demande sa route en gestes désespérés je lui indique le croisement mais il semblerait que là où je croyais le chemin tracé, toutes les voies lui soient barrées.
Qui est donc cette étrangère, voyageuse à la tenue légère, dont les pas toujours perdus tracent leur danse éphémère dans la poussière?
Elle articule exagérément, et croit être comprise; ce ne sont que les méprises d'un départ à tâtons : allers sans retours, existence à reculons.Vers quel ailleurs cherche-t-elle à calmer ses orages ? Quel dérisoire voyage ?
Au guichet de la vie, elle prend son ticket pour une tour de Babel infernale. Trop de mots ont calciné ses pensées, j'entends hurler dans son crâne mille idiomes entremêlés. Lasse d'être incomprise elle a fermé les yeux, desserre sa prise. Ses pas hésitent au bord des rails. De ses lèvres s'échappent encore quelques sons qui s’échouent, dans le brouhaha des autres voix criant la vie autour d'elle et le fracas d’un train qui passe.
Qui est cette étrangère, muette fugitive, ombre furtive, dont je sais le regard si semblable au mien ?
De loin je la vois se briser.