Dehorian Poète
Messages : 121 Date d'inscription : 08/04/2011 Age : 43 Localisation : France
| Sujet: Instant (I) Sam 21 Avr - 13:04 | |
| Attention, ce poème est dur.
Ma plume préférerait ne pas écrire ces mots Qui me poussent à plonger ainsi dans ma mémoire Et parler d'un moment où je broyais du noir Et où toutes mes peines étaient comme un étau Pressurant de mon âme les derniers boucliers Pour enfin s'en venir complètement me broyer.
C'est un samedi de Mai, ma chambre est ombragée Mais le soleil est haut, le ciel est azuré. Je suis en train de lire, ou plutôt il me semble Que je veux qu'on le croit. Mais j'ai les mains qui tremblent Et des larmes dans mes yeux. Il ne s'est rien passé Du moins pas ce jour-là, mais je veux m'en aller.
Mon esprit est vaseux, je ne pense plus vraiment Je suis dans le coton comme on dit sobrement Et j'ai ce vague à l'âme qui me laisse interdit. Je n'ai même pas douze ans et j'ai déjà subi Ce qu'une personne adulte n'aurait pas supporté Ce que même vous les grands ne pourriez endurer.
Et je ne sais pourquoi en cette journée de Mai Il n'y a plus cette rage qui ne m'avait jamais Pourtant abandonnée. Rien que la lassitude Et cette tentation dont j'avais l'habitude Mais qui en ma colère ne pouvait que sombrer. Sans elle je n'arrive plus à ne pas l'écouter.
Je me lèves soudain sans seulement comprendre Ce que j'ai décidé. J'en ai assez d'attendre Après le prochain coup et là je le décrète: Je n'en peux plus, assez. Il faut que ça s'arrête ! Et me voila debout, je vais vers ma fenêtre Qui m'ouvrent des chemins en forme de peut-être.
Peut-être que je volerais et que je m'en irais Là-bas vers les étoiles, que je retrouverais Ces moments où le rire était mon quotidien Ceux-là dont aujourd'hui il ne me reste rien. Peut-être que je verrais de la Terre la beauté Sur un bout de la lune où je serais caché.
Où bien peut-être que reviendra ce néant Que j'ai connu une fois et qui m'a laissé sans M'offrir d'oublier sa bien trop douce étreinte Qui m'avait libéré du fardeau de mes craintes. J'enjambe le rebord et puis je m'assoies là, Les jambes dans le vide, mais je ne le sais pas.
Mon esprit est ailleurs sur des sentiers lointains, Mon souffle est régulier, mon regard est éteint Et personne ne me voit parmi ceux qui en bas S'amusent et se sourient. Ils ne lèveront pas Les yeux vers mon tourment et leurs éclats de rire Seront mon homélie. Quelqu'un a du l'écrire.
Je suis prêt, vous savez, à m'élancer enfin Même si je sais bien que je ne peux pas voler. Et pourtant je m'en moque, je refuse un demain Fait de toute cette douleur et de cette solitude En forme de prison. J'ai besoin d'altitude Ou bien de profondeur. Il me faut m'en aller.
Ultime inspiration, dernières hésitations Et une petite voix. Une hallucination? Je ne saurais le dire, est-ce vraiment important? Ne comptent que ses mots qui se font lancinants Et me posent des questions qui viennent pour déranger Ma belle sérénité, mes doutes me renvoyer.
Voudrais-tu donc lâchement abandonner ainsi? Et n'attends-tu vraiment rien de plus de cette vie Qui t'a pourtant donné ce don exaspérant De voir et de comprendre, même si confusément, Le cœur de ton prochain et de mettre des mots Rythmés et envoutants sur le poids de vos maux?
Je suis là face au vide et je n'ai pas douze ans, Je ne connais même pas la portée du talent Qui un jour sera mien, mais ça y est je le sais J'ai des mots à écrire, une histoire à conter. Ma plume ensommeillée vient de me retenir, Je fermes ma fenêtre, je ne veux plus mourir.
Cet instant évoqué est le soudain rappel Que me lancent mes vers, un moment oublié Ou plutôt occulté malgré toutes les séquelles Qu'il aura engendré en mon cœur affolé, Mon amour de la vie et ce besoin confus De poser sur papier des mots trop superflus.
Aujourd'hui débridée ma plume vient me rappeler Un serment d'autrefois, un gantelet jeté A mon futur moi-même, qui saurait bien comprendre Et d'une glacée franchise venir vous faire entendre Au travers de ses mots les cris trop contenus Des enfants qui ont mal. Une promesse tenue.
Une plume de Dehorian
Le 18/02/2011 |
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eve-lisa Poète
Messages : 137 Date d'inscription : 04/02/2012
| Sujet: ... Sam 21 Avr - 16:02 | |
| "besoin d'altitude ou bien de profondeur" sera ce que je retiendrai .... |
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féfée Poète
Messages : 2481 Date d'inscription : 10/11/2010
| Sujet: Re: Instant (I) Sam 21 Avr - 16:38 | |
| Instant-clé d'une vie... Besoin d'altitude ou de profondeur, je ressens ça aussi. Magnifique, passionnant, enrichissant, émouvant ! |
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Baba yaga Poète
Messages : 950 Date d'inscription : 06/07/2011 Age : 52 Localisation : au fond d'un bois de blancs bouleaux
| Sujet: Re: Instant (I) Sam 21 Avr - 17:06 | |
| Il est difficile de commenter un tel texte; je pourrais te dire qu'il m'a touchée, qu'il est magistralement exécuté, bouleversant de vérité. Je pourrais. Je te dirai plutôt ceci: en te lisant, j'ai vu cette scène. J'en frissonne. Je crois que je la verrai encore longtemps. |
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Karoloth Poète
Messages : 884 Date d'inscription : 12/12/2010 Localisation : Draveil
| Sujet: Re: Instant (I) Dim 22 Avr - 12:08 | |
| Le drame est d'en venir à penser à cela. Ne devrait-on pas commencer par apprendre aux gens à aimer leurs enfants ? Ils n'attendent rien que d'être tenus dans les bras. |
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lutece Administrateur-Poète
Messages : 3375 Date d'inscription : 07/11/2010 Age : 67 Localisation : strasbourg
| Sujet: Re: Instant (I) Lun 23 Avr - 11:02 | |
| Un enfant malheureux au point de vouloir en finir, ca ne devrait même pas exister. Un texte d'une grande profondeur, j'ai aimé. |
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Damona Morrigan Fondatrice d'Alchemypoètes
Messages : 4544 Date d'inscription : 06/11/2010 Localisation : Dans la cabane de la sorcière blanche sur l'île d'Emeraude
| Sujet: Re: Instant (I) Mar 24 Avr - 11:43 | |
| Je te serre très fort dans mes bras il en faut du courage... Une fleur sur ton cœur vivant |
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