La rivière enfle et gronde.
Quelques brassées d’herbes ont retenu la boue ;
Sur la rive argileuse se rêve un golem…
- J’ai perdu cette densité grave qui me retenait
Et je ne charrie plus dans mes veines
La fade odeur des peines.
La colère de ma voix s’abîme dans le flux,
Quand en aval j’entends gronder
Les cris de la mue.
Dans le courant je vois s’égarer
L’horreur du jour et la moiteur des nuits ;
Dans un torrent obscur
Se perpétue le combat où nos mains bleuies
Déchiraient nos blessures.
Un tourbillon emporte au loin la cendre
Des jours de suie et nos esclandres.
La rivière enfle et gronde…
Quelques brassées d’herbes ont retenu la boue.
Sur la rive argileuse naît une voix,
Légers murmures de soie…
- Qui redessine mon corps soudain limpide ?
- Qui esquisse à l’ombre de lèvres nouvelles,
Un sourire apaisé, une douceur d’hirondelle ?
- Quelle main bienveillante m’a sculptée,
Dans la pâleur du marbre,
À peine un frisson d’âme ?
Un corps indécis s’éveille sous les arbres,
À la forme diaphane.
S’animent à sa naissance quelques notes aériennes,
Espoir, un souffle de chair.
La rivière poursuit son cours,
Tumultueuse et violente,
Emportant avec elle
Les blessures ardentes.
Sur la rive dégagée,
Un visage pur espère une vie nouvelle.
Dans l’abandon de son corps ingénu
S’apaise le golem.
-Aube sera mon nom.