Minuit passe comme un soleil triste, il faut dormir. On n'a qu'une vie, et quelle vie mon ami ! Toi qui a parcouru l'humanité de ton regard de sable, insinues-toi, sens ce cœur qui cogne dans ma pauvre personne, pauvre de ne pas aimer. Suis-je si sec que l'été me prendrait en pitié ? Reviens, reviens ! Quels mots n'ai-je su dire, quelle force me manque ?
Silence avec ces mots creux ! Pourquoi tout ce gravier infect ; cette racaille insensée va-t-elle enfin finir ? Tu n'aimes pas, tu n'aimes plus, tant mieux, mon ami, tant mieux ! J'en connais qui sauront se passer de ta passion érodée. Rien ne vaut la vision de ton esprit rabougri devant moi, ver de terre, rien ne peut surpasser l'intense plaisir de te considérer à l'instant. Recroqueville-toi et pleure en silence.
Ainsi tu n'es pas mort, lâche ! Je ne suis même pas mon propre ami. Le désert s'ouvre devant moi, je suis un cadavre décharné par l'ennui et rien ne saurait me distraire, sinon la poussière. Tu es poussière à présent, mais je t'implore, ne fuis pas sous le vent. Sois mon guide, tu le fus autrefois, honore-moi à nouveau.
Je n'ai que faire de tes pleurs, pitoyable, misérable rejeton du vide. Il n'est pas d'insecte qui rampe plus bas que toi, pas de vice plus abject que ton empathie paresseuse. Tu as peur ! Oseras-tu jamais regarder les yeux bandés de cette femme, oseras-tu poser ton cœur sur la balance ? La justice et la vérité seront tes pires ennemis. Que la raison te cloître en ces lignes, la passion n'a plus d'yeux pour toi.
J'ai peur. C'est vrai. Et si la passion me délaisse, je m'en remets à la souveraine tendresse. Mes mots la mènent au jardin, nos pas s'étouffent dans l'herbe humide. Mille images nous enivrent, mon âme se meurt doucement pour mieux renaître. Et toi, tu seras là.
Et toi, tu ne seras plus qu'une loque sans intérêt, un déchet ! Je te laisserai dans ta fange répugnante que tu appelles un jardin. Tu pourriras seul, car la vérité nue, je te la donne : tu es seul dans ce désert fleuri. Mais puisque je suis maître en ce corps, je te défie, sois fier, monte le museau, il n'y aura pas de seconde fois, je te défie ! Trouve-la, trouve cette personne, cette femme, trouve-la et reviens. Alors peut-être, tu seras roi et je la ferai reine. Peut-être, tu pourras m'invoquer, tu pourras m'ordonner. Si ta tendresse mollassonne n'a pas envahi de ses herbes folles ton esprit perverti, je brûlerai à nouveau. Je ferai de ton monde gris cet enfer que tu affectionnes tant, cette passion que tu désires si fort, je la transcenderai en elle. Tu souffriras si fort que tu me haïras, tu souhaiteras mourir mais je te sauverai. Mais pour l'instant...
J'attends l'écho du cœur.