Dans mon esprit perdurent les horreurs d'un cauchemar, son refrain obsédant aurait dû périr avec la nuit et je tente devant ma tasse de café de reprendre pied dans la réalité, hantée par le souvenir de ce qui n’a pourtant pas existé mais qui me laisse instable et courbaturée.
Indifférent témoin d'exactions abjectes je regarde sans frémir un corps martyrisé…
Je me souviens avoir poussé d'un geste sûr la porte familière ; le lit étroit est toujours cet îlot de taches sombres dont je savais par cœur les contours dans la pénombre; que n'ai-je rêvé à son bord...avant de pour de bon m'endormir.
Mais le corps que l'on y a déposé n'est pas le mien dans la joliesse de ses traits et sa blondeur ensanglantée. Un peintre génial et fou semble avoir imprimé ses pigments cruels jusque sur la tapisserie mièvre où rougeoie la mort.
Le rouge va bien aux blondes et je devine son crâne martelé sur ce qui fut mon oreiller.
Devant cette souffrance je ne ressens rien pas même de la surprise : ai-je toujours su qu’un cadavre gisait dans mon lit? Je passe avec nonchalance de pièce en pièce, observant avec une distance clinique la fidélité photographique du souvenir. Je suis seule, seule avec la blonde docile et massacrée. Je ne me demande pas qui a pu commettre ce crime, je sais qu’il ne reste de la violence commise en ces murs qu’un abandon définitif noyé d’hémoglobine. Je devrais supplier le réveil seulement ma conscience semble ne pas être pressée de regagner la sécurité de mes sens. Ici je suis chez moi, enfin, je sais aussi que j’ai pour de bon quitté les rivages obscènes de l’enfance et je peux prendre le temps d’observer le carnage.
Je ne sais ce qui me tira hors du rêve.
Mais l’image m’imprègne, et s’intègre avec facilité à ce qui fut pour de bon vécu.
Le café abandonne sur mes lèvres un inhabituel goût métallique.