J'écris pour ces gamins qui s'endorment dans le noir
Environnés de peur, bercés de désespoir,
Pour ceux-là que la vie a déjà trop tôt cognée
Pour tous ces cœurs en berne, ces âmes déjà damnées.

Oui, je viens vous parler au nom de ces enfants
Qui ne peuvent vous avouer la terrible douleur
Qui leur vient de ses vies subies quotidiennement
Au rythme d'un tic tac qui égrène les heures.

Savez-vous ce que c'est d'avoir au fond du cœur
Une envie affolante de ce monde s'enfuir?
Savez-vous ce que c'est que le poids des rancœurs
Qui voudraient obstruer jusqu'à votre avenir?

Et j'ai été l'un d'eux, l'un des enfants brisés
Dont je vous crie les mots, dont je me fais héraut,
Je sais le feu des coups, je sais la peur d'oser
Simplement de l'école s'en aller et rentrer !

Et j'ai été l'un d'eux, j'ai été aussi bas
Oui j'ai voulu mourir pour mettre fin à ça !
Oui je voulais hurler même si je vous semblais
Parfaitement normal et ne manquer de rien !

Et j'ai été l'un d'eux, l'un de tous ces damnés,
A jamais outragés, pour toujours condamnés.
Oui j'ai souhaité qu'un mal vienne à abattre ceux
Qui étaient mes bourreaux, je le regrette peu !

Et j'ai été l'un d'eux, l'un de tous ces enfants
Qui ne comprennent pas, Lumière, évidemment,
Et se pensent coupables de tous ses coups reçus
Et qui sont incapable, eux, de dire jamais plus !

Et j'ai été l'un deux, si jeunes adolescents
Quoique déjà adulte, témoin la gravité
Que l'on lit dans leur yeux, si froids, si dérangeants
Comme déconnectés de la réalité !

Et je sais leur souffrance, voulez-vous donc l'entendre?
En aurez-vous le cran, oserez-vous apprendre
Juste pour un instant, en lisant là mes mots,
L'effet que cela fait quand on vous frappe trop?

Coup, brûlure, cri, et de nouveau un coup, un cri !
brûlure intensifiée, souffrance redoublée !
Le sang qui bat aux tempes, la rage qui monte au cœur,
Cette envie de hurler, presque un besoin de tuer !
Et puis cet apaisement qui fait naître la peur.
Et un coup de nouveau, trop tôt suivi d'un cri
Et le temps qui s'arrête... Et puis encore un coup,
Encore une brûlure, et là s'en vient la honte.
Le torrent de nos larmes, signe qu'on est à bout,
Et ses coups continuent, on en perd le décompte...

Dois-je ainsi continuer la chanson des enfants
Qui l'on a trop battu et que l'on a brisé?
Préférez-vous l'espoir que devant vous j'invoque?
Oui on peut s'en sortir, bien sûr, évidemment,
Mais sans ma mélodie, aujourd'hui je le sais,
Je le dis, je me fous qu'on s'en moque
Je serais devenu ce bien trop méchant fou
Qu'avait rencontré l'autre un soir de soliloque
Et qui se cache en moi, lui que je tiens de vous.

Car oui je vous accuse ! Je veux vous voir honteux
Non pas pour me venger, j'ai déjà pardonné,
Mais bien parce qu'il en reste, de ces enfants martyrs
Peut-être pas si loin, à droite après le feu
Ou bien chez ce voisin qui vous a invité !
Quoi, non, c'est impossible? Vous pouvez donc le dire?
Pourtant moi j'ai été un des enfants qui jouaient
Avec les vôtres alors qu'a mon père vous parliez.
Et à vos chérubins je racontais mes coups,
N'ont-ils pas essayés de le dire devant vous?

Un coup encore sur ma peau nue, ce rouge qui marque
Mon corps d'enfant. Et la douleur enlace la peur
Et elles s'en viennent jusqu'en mon cœur pour me voler
Mon espérance, mon innocence, ma dignité.
Un coup, un autre, encore, Souffrance et puis douleur
Mes cris, mes pleurs, ma honte et l'insomnie, là, qui débarque.

Et savez-vous seulement ce que c'est que la nuit
Pour un enfant qui pleure? L'orée de cette folie
Beaucoup trop attirante, ainsi parée d'oubli,
Ainsi parée de force? Que savez-vous des cris
Silencieux que l'on pousse quand la peur s'est enfuie
Et que la seule colère est notre compagnie
Et qu'elle le restera presque toute notre vie?

Coup, brûlure, cri, coup, cri, et puis brûlure
Aucune échappatoire, pas le moindre futur
Rien de plus qu'un regard qui vous est adressé
Rien sinon ce regard dont vous vous détournez.
Et s'il vous reste un doute, souffrez donc que je l'ôte:
Ceci nous permettons, c'est donc à nous la faute.

J.N

Février 2011.