Chaque aube renouvelle ce qui gît sous ma paume, même lorsqu'amputée je ne suis qu’insipides atomes, qu’un démiurge insouciant aura jetés en pluie sur la portée d’une vie.
Tu tenais ma main dans la tienne et je n’ai pas vu lorsque d’un geste tendre tu l’as tranchée…La plus laide des sœurs a tissé juste pour moi un fil noir, qu’elle n’en finit pas de dévider sur le métier de l’absence…Elle jouit à l’avance de l’abandon qu’elle voit poindre, sœur Anne un peu futée, dans la poussière d’une révolution ; combien de vies déchirées quand l’Univers fait un tour sur lui-même, ignorant dans sa pirouette les cris d’agonie des pauvres créatures rendues au néant ou bien vomies à l’inutile de leurs vies…Je tends mon corps en vaines secousses à la rencontre d’un plaisir factice, où ai-je appris à donner l'un après l'autre des coups qui désintègrent peu à peu la trame serrée d'une existence?
Les vieilles, les trois issues du même utérus dément, sont assises sur un banc de météores et observent d’un œil clinique la foi qui me dévore…Tu empruntes à l’une son regard d’institutrice, aucune indulgence ne s’y lira jamais plus, promesses de sévices….à l’autre tu as volé sa dague coupante, déjà tu l’exerces sur le tranchant d’un poignet frêle, classique exercice alternative à la ciguë… et me laisses le métier à filer, régente indigne, je me sens enfler comme une araignée au ventre distendu, tissant dans l’obscurité la soie de ma mue. Ce sont maux que je dévide, insensés et inutiles, j’en tire d’absconses bobines et pelotes de haine, dont tu te refuses à commenter la déveine….
Où m'a-t-on appris qu'il ne sert à rien de donner, qu'espérer est toujours vain et que la balance perd toujours l'un de ses plateaux?
Quel leçon, fillette, ai-je dû engloutir pour qu'enfin mon regard se décille que je noie ma pudeur imbécile ?
Je gratte la boue d'un puits asséché, une soif infinie a brûlé ma gorge et je ne sais plus dire ni mes peurs ni mes désirs...je ne vois dans la flaque que l’hideuse fascination d’une obsession sans âge, je ne puis en détacher le regard, mes membre fléchissent lorsque le rire de gorge des trois éclate en écho autour de moi ; ricanantes et obscènes elles observent ma chute avec la sagesse des vieilles putes…je sais faiblir mon corps plus jamais la chaleur d’un désir ne grouillera dans mon ventre, ma chair ne frissonnera plus à la vibration d’un pas attendu, mes mains ne se joindront plus dans les spasmes…je ne sais détacher mon regard de l’hideuse bête qui agite ses têtes avec délice …sa langue fourchue devient dard entre mes cuisses…
La plus jeune secoue d’un air navré sa figure fanée, la seconde hausse avec indifférence ses épaules décharnée quand la plus vieille m’ouvre ses flancs …je ne suis plus que l’obsession de ce refrain qui me ronge et à sa rencontre je plonge, mes mains caressent à l’envi le membre roide du dépit et je prends dans ma bouche l’offrande d’un démon bien connu….
Je suis allongée dans le puits et chacun vient sur mon corps cracher ses avanies.
- Mon abdomen n’est plus que palpitations vaines, j’ai dévidé hors de moi ce qui m’empoisonnait. Tu éprouves la corde solide, poisseuse encore de mes fluides les plus intimes , assistant avec froideur à mon dernier supplice…
J’ai un peu la tête qui tourne.
petit jeu: à retrouver dans la trame de cette babayaguerie :Socrate; les Parques; Narcisse; Pénélope ; Chronos (et peut-être d'autres figures mythologiques qui m'auraient inconsciemment inspirée!)