Je n'ai plus de visage.
Je regarde l'une après l'autre les silhouettes floutées, et ne me reconnais pas.
Qui a ainsi dessiné les traits émaciés de cette figure construite à la hâte?
Moi qui avait des cheveux longs et lisses, j'arbore à présent une hideuse perruque bouclée de ténèbres; mes yeux autrefois limpides ne sont plus que deux charbons au rougeoiement éteint…ma chair naïve s’est estompée et un fusain moqueur s’est plu à m’inventer un rictus ironique alors que je n’étais qu’aimante et douce. Mes paupières ont été reconstituées à coup de fards tapageurs assortis d’ailleurs à la robe bien trop courte que je ne me rappelle pas avoir jamais portée.
Des bruits de bulle et des éclats de rire entourent mes pas hésitants, on vient ici non pas pour vivre mais pour dépecer, sur l’autel sordide de plaisirs illicites. Une poudre fine drape tout ce que je vois d’une transe onirique et malgré moi je suis entraînée dans la danse. Mes pieds nus sur un vertige atroce valsent malgré eux et s’écorchent. Des mains viennent sur mon dos nu esquisser d’odieuses promesses autorisées, on palabre autour de moi, et je suis sans cesse renvoyée. L’examen est passé haut la main à mon insu.
Je n’ai plus de visage, et les miroirs s’amusent au carnage.