Dans une fraction imbécile d’un temps étranger,
Abandonner mon corps à la vague,
Laisser enfler les sons familiers.
Être vivante chaque seconde.
Mon corps oscille avec ferveur,
Les yeux fermés je laisse entrer la nuit ;
Les étoiles impriment sur mes paupières leur dialogue infini
Je perçois leur disposition sereine
Et j’écoute le remugle de la plaine
Presque silence
Effrayant pour qui ne sait écouter ni voir.
Bruit de bêtes, et mon souffle.
Je me suis déchaussée,
J’ai posé mes deux pieds bien à plat sur le sol,
Ignorant les courants invisibles que j’espère retenir,
Ouverte et réceptive.
Harmonie nouvelle et unique.
Que je ne sais expliquer,
Je perçois,
Je vibre,
Unisson grave qui touche chacun de mes nerfs
En un accord parfait.
Je suis l’instrument.
Je ne pense pas.
Les lauzes ont gardé la fièvre de la journée
Qui remonte le long de mes jambes.
Plus bas, quasiment sous moi
Les dernières voitures finissent de passer la route à lacets,
ignorantes et feutrées.
Un insecte stridule à ma gauche
Un crissement agace l’obscurité.
Et un battement ample et régulier :
Le sang dans mes artères.
Urgence.
Le dos droit, je suis à peine en contact
Avec la chaise de jardin posée à l’extrême avancée de la terrasse,
Mon pied gauche frôle l’herbe.
Odeur de pluie,
Parfum- souvenir dont la beauté imprègne la nuit.
Mes mains sont sur mes cuisses, doigts largement écartés.
Mes yeux toujours fermés.
Je ne sens plus le poids de mes paupières,
mon visage est détendu
Je lèche sur mes lèvres
Une fraicheur nouvelle apportée par la nue
Un tissu agité par le vent chatouille mon genou droit.
La pierre diffuse sa chaleur.
Elle remonte mon corps à contre-sens,
Le long de mes cuisses avec impudeur...
Puis se verse en caresse naïve
Forte et troublante jusqu’à mon cœur.
Urgence
Je bats en harmonie avec la nuit
Des perceptions violentes et vives m’éblouissent
Je suis un vertige tendu vers le ciel,
Sous mes paupières les étoiles sont en transe,
Je reçois leurs cris,
Lancés depuis des millénaires à travers l’éther.
Je me laisse emporter
Dans les frissons sur ma peau
J’ai su conserver
La cruauté sombre des idéaux.