Je suis un enfant de mon ère, une ère où règne la folie. Chaque jour à la télé ou sur internet je suis -comme tellement d'autres- témoin de cette folie qui n'a même plus honte de s'exposer. Partout je vois la guerre, la haine, la colère. Les larmes et le sang. La violence de plus en plus débridée que ne semble devoir -pouvoir?- s'arrêter.

Et pourtant, paradoxalement, rien ne change. Chaque jour qui passe est semblable au précédent. La même routine, les même gens fatigués d'une vie passée à se morfondre dans l'illusion d'avoir une quelconque importance alors qu'en vérité ils ne comptent pas -que nous ne comptons pas, car je le confesse, je suis l'un d'eux. Je suis un enfant de mon ère.

J'aurais tellement voulu être plus. Être mieux. Je rêvais d'être un héros. Je voulais changer le monde... Et comme je ne sais combien d'autres avant moi, c'est le monde qui est en train de me changer. Et le pire c'est sans doute que je m'en rends compte. Que je le vois venir. Et que je n'essaye malgré tout pas de l'éviter. C'est une idée qui me remplit de honte mais avec laquelle je dois vivre. Parce qu'au bout du compte je suis totalement impuissant à changer les choses. Je suis quantité négligeable et ma voix n'intéresse personne. Mes mots... mes mots ne servent que d'éxutoire à cette colère enfouie en moi face à cette société que je vomis. Ils n'ont pas, n'auront jamais, d'impact suffisant pour ne serait-ce que changer une chose.

Pourtant j'écris. J'écris parce que je dois me taire, parce que je ne peux pas sortir dans la rue et hurler ce dégout que je ressens face à la monstrueuse folie d'une humanité en totale perdition, une humanité en train de se suicider joyeusement et qui n'a même pas la présence d'esprit de s'en inquiéter. Du pain et des jeux... C'est une recette qui fonctionnait déjà dans la Rome antique, et ma foi de nos jours elle fonctionne encore mieux. Et moi... je suis un enfant de mon ère.

Souvent je me demande s'ils sont à ce point aveugles ou s'il s'agit d'un déni. Comment font-ils pour vivre avec l'idée qu'on les exploite sans le moindre scrupule et qu'on est en train de détruire allégrement leur planète? Comment peuvent-ils croire en un futur qui n'existe déjà plus à l'heure où j'écris ces lignes? Souvent je les envies. Ca doit être tellement plus simple de vivre une vie sans toutes ces questions sans réponses qui tourbillonnent en permanence dans ma tête. Sans toutes ces pensées que je ne sais faire taire et qui m'empêche de vivre ma vie pleinement. Mais je suis un enfant de mon ère et je sais où tout ça nous conduit. Je ne peux pas l'oublier, jamais. Alors mes larmes d'encre s'impriment sur le blanc du papier pour ne pas creuser des sillons sur ma peau déjà trop abimée.

Passons.

J'ai aujourd'hui une histoire à raconter dont ceci n'est que le prologue, un prologue que je vais achever sur une question pour ne pas continuer à me perdre ainsi en divaguations inutiles: Vous souvenez-vous de l'enfant que vous fûtes un jour?