____________________________L'Immortel_____________(3)
Lui pensa que cette fois sa vie se finirait ici puis il comprit que les œufs devaient appartenir à ce monstre. Puisqu’il fallait mourir, il n’était pas dit qu’il disparaîtrait sans nuire. Il allait broyer les œufs avant de tomber sous les coups, d'être déchiré et de se faire dévorer. À nouveau, il leva sa pierre menaçante. Le monstre s’immobilisa et sa colère parut se muer en désarroi. « — N’abaisse pas ta pierre ! dit le monstre. Ce sont mes enfants que tu tiens sous ton joug. Épargne-les et je saurais te récompenser. » — « — De quelle façon me récompenseras-tu, en me croquant le foie ? » Alors le monstre lui dit qu’il n’était pas ce qu’il paraissait être, qu’il était le dieu de cette montagne et qu’il avait pris cette apparence afin de séduire une chimère femelle dont il voulait avoir des fils. Il avait résulté de leur union ces trois œufs que Lui se préparait à faire éclater avant que le temps soit venu. Tenant toujours sa pierre haute, Lui demanda alors de quelle nature serait la récompense. « — Vois ! dit le monstre-dieu. Tu tiens sous ta menace trois œufs, trois fils. Si tu broies seulement l’un d’eux, je te déchiquetterai et te condamnerai à la souffrance éternelle. Dans le cas contraire, si tu sais te montrer noble et si tu acceptes de les épargner, je t’accorderais trois voeux que j’exaucerai dans l’instant. » — « — Trois vœux ? Quel genre de vœux ? Quelles limites m’imposes-tu ? » — « — Aucune limite. Demande ! Tu recevras. » Lui réfléchit un long moment puis il interrogea la chimère. « — Qui me dit que tu ne te vantes pas ? » — « — Trois vœux ! À prendre ou à laisser ! » Alors Lui se dit qu’il allait tester la puissance de cet être en réclamant une chose qui serait visible sur le chant. Il prit une grande inspiration puis il exigea : « — Je veux la jeunesse éternelle ! » — « — Ce que tu me demandes est impossible » dit le dieu. « — Je le savais ! lança l'autre. Tu n’as pas le pouvoir que tu prétends posséder. » — « Si, reprit le dieu-monstre, mais ce que tu veux obtenir, c’est deux choses à la fois or, cela est impossible. Mais, si c’est ce que tu désires, je peux t’accorder pour deux vœux, la jeunesse et l’éternité. » Lui accepta sur le champ, mais gardait sa pierre levée par défiance. « — Pose cette pierre à présent ! » dit le monstre. « — Que je pose ma pierre ? Pour qu’à l’instant où elle touchera le sol tu te jettes sur moi et me tues ? » Le dieu-lézard soupira comme las de cette conversation. « — Pose cette pierre, homme. Tu n’en as plus besoin. » Alors, Lui obéit. Il souleva le morceau de roche qu’il avait calé sur le sommet de son crâne et, lentement, il le déposa sur la cendre noire. À ce moment, son regard glissa de la pierre à ses mains. Quelle ne fut pas alors sa surprise ! Les taches brunes que la vieillesse avait dessinées sur sa peau avaient toutes disparu ! Ses mains étaient redevenues lisses et avaient retrouvé leur aspect vigoureux d’antan ! Ses doigts, noueux il y a peu, déformés par les douleurs de l’arthrose, étaient à présent droits, effilés et musculeux. Il porta sa main à son visage et le sentit étonnamment doux sous la pulpe de ses doigts. Puis comme ils les glissaient au milieu de ses cheveux pourtant clairsemés le moment précédent, ses doigts découvrirent une chevelure épaisse à la couleur dorée. « — Est-ce possible ? » s’écria-t-il. « — N’est-ce pas ce que tu désirais, homme ? Jeunesse et vie, à jamais ? », pensa en lui le dieu-chimère. Il répondit que c’était bien là ce qu’il avait espéré, mais qu’il ne croyait pas que cela fut dans le pouvoir de qui que ce soit, pas même dans celui d’un dieu puissant. Le dieu-monstre lui confirma alors qu’il se trompait puis il ajouta : « — Cependant, je t’ai accordé trois vœux, souviens-toi. Exprime ton troisième souhait, ainsi nous serons quittes. » Mais Lui, tout à son bonheur d’avoir retrouvé l’âge de la force juvénile ne savait que réclamer de plus.
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