_______________________________L'Immortel_________________(5)
C’est alors que le souverain d’un pays lointain traversa la frontière à la tête d’une armée d’innombrables combattants. Il était jeune et avait faim de pouvoir. Une grande bataille s’engagea contre cet envahisseur et contre toute attente, ce dernier en sortit vainqueur. Lui ne fut pas capable de rééditer les exploits qu’il avait réalisés plus de cent ans auparavant. Ce nouvel ennemi possédait une arme nouvelle qui avait fait pleuvoir du ciel une pluie de traits meurtriers si bien que Lui ne put qu’assister au massacre des siens et à la défaite. Les temps avaient changé. Il ne s’en était pas aperçu. Pour mettre fin au carnage, il se livra lui-même à l’envahisseur et demanda grâce pour les siens. On l’accueillit avec méfiance et curiosité, car sa renommée avait passé bien des frontières et comme on le craignait aussi, on satisfit à ses requêtes sous la condition qu’il n’exige rien pour lui et qu’il quitte les terres qui l’avaient vu naître sur le champ pour ne jamais revenir. Lui accepta sans tergiverser. Il n’avait plus de goût à jouer au dieu et puis il avait entendu raconter tant de choses ! Le monde s’avérait plus vaste que ce qu’il aurait cru. S’était-il seulement donné la peine de songer à son immensité lors des premières années de sa vie ? Peut-être était-ce le moment d’aller en découvrir les limites. Alors, sans rien emporter, il partit.
Il traversa maints pays, maintes contrées, maints paysages, marchant toujours plus loin vers le soleil levant. Son souhait était de découvrir le lieu d’où surgissait l’astre divin. Les territoires étaient immenses et pour la plupart désertiques. Il parcourut des forêts sans fin peuplées d’animaux redoutables, de meutes de loups infatigables, d’ours géants, de tigres solitaires à la puissance sans pareil. Il marcha au milieu des steppes sans fin, s’égara dans des marais à l’étendue incommensurable et aux dangers sournois, gravit les plus hautes montagnes. Parfois au sortir d’un long isolement, il croisait la route de groupes d’hommes égarés à la recherche de gibier, poursuivant les grands troupeaux de rennes et de bisons. Alors, il se joignait à ces chasseurs le temps de devenir l’un des leurs. Il venait toujours à eux avec de riches offrandes de nourriture pour se faire accepter. Bien sûr, ceux dont il croisait le chemin s’étonnaient. D’abord à cause de son apparence si différente de celle des habitants de ces lointaines contrées. Mais aussi de sa présence solitaire. Personne ne pouvait survivre seul dans ces pays sauvages, eux le savaient mieux que quiconque. La mort était partout et prenait autant de formes que le ciel de la nuit montrait d’étoiles. Mais Lui était fort, rapide, meilleur que n’importe qui à la chasse et il ne semblait pas dangereux. Très vite, il devenait l’ami de tous et l’on se surprenait à se demander comment on avait pu vivre sans le connaître jusqu’à ce jour. Puis, quand le désir de voir de nouvelles terres venait, il rassemblait les choses qu’il aimait avoir avec lui, presque rien en vérité, une lame de pierre et quelques colifichets, et au matin il s’en allait en laissant derrière lui des amis et une femme éplorés, un petit enfant aussi parfois. Des femmes, il en connut un si grand nombre qu’au bout d’un temps il ne lui fut plus possible de souvenir de toutes. Partout où son pas le menait, il s’en trouvait une pour vouloir s’accoupler avec lui. C’était un grand honneur qu’il leur accordait et un grand bonheur qu’il leur offrait même s’il était généralement de courte durée.
Un jour, après qu’il eut marché durant des siècles peut-être, toujours en direction du soleil levant, il parvint sur la côte d’une grande mer. C’était au matin, il avait forcé le pas toute une nuit, attiré par une sorte de mugissement, celui que, il le découvrit, faisait le chant des vagues en roulant sur le rivage. Un soleil rouge se hissait au-dessus de l’horizon comme sortant du sommeil. Ainsi c'était ici que se trouvait le nid de l’astre lumière ; ici qu'il s'étirait après s’être reposé durant les heures de la nuit ; d'ici qu’il s'élançait à l'assaut du ciel. Lui était ravi d’avoir découvert ce secret céleste. Et comme il pensait avoir atteint son but, il demeura sur cette côte au milieu d’une troupe de quelques humains dont il avait croisé la route et qui vivaient ici en se nourrissant des cadeaux que leur offrait l’océan lorsqu'il se retirait au loin abandonnant sur la terre découverte poissons et crustacés. Il vécut heureux dans ce lieu, pendant un temps, celui de faire deux enfants, puis il s’en alla à nouveau.
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