_________________________________L'Immortel_____________________(7)
Encore le temps passa. La terre devint ronde et l’espace surgit du vide de l’ignorance écrasant l’esprit suffisant des hommes. Chaque jour voyait l’univers s'agrandir et l’humanité subir son poids. Vint le temps mécanique et celui de la science naissante, puis celui des machines et de la connaissance. Partout sur la terre les villes s’étalaient comme des montagnes mouvantes au milieu du bruit incessant et assourdissant des machines. Puis, puisqu’il faut bien que tout ait une fin, la terre s’ouvrit, sans doute lasse de porter en elles ces enfants turbulents, et en engloutit la plus grande partie en lançant après eux ses démons de feu. Ensuite, la mort partout s’acharna sur les hommes ayant survécus comme si la nature elle-même voulait leur perte. Des maladies terribles sévirent et tous ce qui était vivant, armé d’épines, de crochets, de mâchoires, de dents, de griffes, de becs cherchaient à tuer tous ceux qui marchaient encore debout.
Lui n’en eu aucune peine. Il s’était détaché du monde et avait gagné le point culminant d’une haute montagne où il s’endormit pendant un long temps. Quand il redescendit de son perchoir, les forêts et les hautes herbes avaient repris possession des espaces. Les hommes n’étaient plus. Il ne restait d’eux que des vestiges d’acier et de bêton dévorés par le temps, l’eau et le vent, et desquels s’élançaient des plantes prolifiques. Partout, la nature et la force bestiale avaient repris leur droit. Le temps des hommes était révolu. Il était le dernier. Mais était-il encore un homme ? Vint un temps de longue solitude. La nature, pourtant plus merveilleuse que jamais, n’avait plus l’attrait qu’il lui avait trouvé dans les temps lointains. Il avait vu tant de choses. Lui attendait le soir et contemplait le ciel. C’était le seul spectacle capable de lui inspiré quelques émotions, cette danse des étoiles. Là-haut, Andromède s’approchait. Bientôt, elle et la Voie lactée allait s’accoupler dans un mouvement colossal. Plus tard, le soleil était mort. Il avait gonflé tel un ballon de baudruche et avait aspiré tout ce qui s’accrochait encore à la terre et qui faisait d’elle un lieu à part avant de se ratatiner comme une orange desséchée. Les mers s’évaporèrent et la terre devint un cimetière à jamais désolé. Mais Lui était toujours présent sur ces rochers arides. Et puisqu’il n’avait plus d’interaction avec quoi que ce fut, il ne fut plus qu’un regard. L’univers continua sa danse et sa lente dissolution.
Puis vint le temps où l’ultime lumière mourante qui scintillait encore aux confins du cosmos, comme un signe d'adieu, s’éteignit. Lui, sur son rocher immobile, dernier vestige de sa merveilleuse planète, dans le froid infini du vide, plissa des yeux et parcouru le néant du regard à la recherche d’une minuscule preuve de l’existence passée du monde. Il ne distingua nulle brillance. Partout régnait l’obscurité. Alors la douleur de la mélancolie s’éveilla et le dévora. La vie devint une déchirure et ses cris, ses appels au secours, se perdirent dans le rien. Vint le temps des rêves, des souvenirs inlassablement ressassés. Il remonta le temps jusqu’à l’instant où la mort aurait dû se saisir de lui. Il revit le dieu démoniaque qui lui avait fait le don de l’éternité et de la jeunesse à jamais renouvelée, lui découvrit un étrange sourire presque imperceptible et auquel il n’avait pas porté d’intérêt sur l’instant. Il savait ce dieu comment finiraient les choses et combien la solitude serait grande lorsque le monde s’éteindrait. C’est alors qu’il lui revint en mémoire la fin de cette rencontre. Trois vœux lui avait dit le dieu-chimère. Il n’en avait prononcé que deux !
Lui appela dans le néant. « - Je suis ici. » dit une voie. « - Que me veux-tu ? » - « - Tu me dois un vœu, dieu-chimère. T’en souviens-tu ? » - « - Oui. Veux-tu l’exprimer ? » - « - Je veux mourir dieu-chimère. Je t’en supplie accorde, moi la mort. A quoi me sert l’éternité et la jeunesse à présent que tout n’est plus que mort ? » - « - Mais, si tu meurs, qui se souviendra de moi ? » Il y eu l’éternité d’un silence puis le dieu terrible ne pouvant renier sa parole accepta d’exaucer le vœu. Et ce fut la fin !
___________________________DRK_______________!