___________Le crayon___
- L’appartement par lui-même était vaste et les pièces qui le composaient spacieuses. La cuisine accueillait un équipement complet de meubles aménagés avec réfrigérateur, congélateur et lave-vaisselle incorporés ainsi qu’un four électrique, un four à micro-ondes et une plaque de cuisson à induction posée sur un long plan de travail. Il restait ainsi suffisamment de place pour la table de cuisine qui pouvait recevoir jusqu’à huit personnes sans que celles-ci se sentent à l’étroit. Cependant, il était rare qu’autant de gens se trouvent réunis dans l’appartement. Généralement, lorsqu’un repas était prévu, les parents préféraient donner rendez-vous à leurs invités dans un restaurant. Julie n’était pas cuisinière et embaucher des extras juste pour une soirée semblait déraisonnable, sans compter les désagréments qu’un dîner à domicile pouvait occasionner.
- La salle de bain aussi était grande. On pouvait y aller et venir à plusieurs sans que cela pose de problèmes. Le seul inconvénient au début avait été la présence de la cuvette des toilettes dans un coin, inconvénient que les parents avaient résolu en la faisant isoler par une cloison et en faisant percer une porte d’accès par le couloir. Depuis, ce n’était plus un souci. La salle de bain avait perdu un peu de sa superficie, mais en contrepartie, on avait gagné en intimité. La baignoire possédait une taille hors norme. On pouvait s’y mouvoir sans difficulté. Plus que tout, Oriane aimait passer des heures dans l’eau, enfin, le plus longtemps possible, jusqu’à ce que sa mère vienne la tirer du bain en rouspétant.
- Les chambres étaient spacieuses, équipées de grands placards muraux qui avaient permis aux parents de se dispenser de meubler les pièces d’armoires et de commodes ou d’autres meubles de rangement permettant ainsi de garder beaucoup d’espace libre. Chaque chambre possédait son coin travail avec un bureau à tiroir et un ordinateur portable, mais pour les enfants l’accès à cet appareil était fortement réglementé. Il n’était pas question qu’ils puissent utiliser le leur pour d’autres raisons que pour le travail scolaire, sauf Otan, à qui son père octroyait le droit de s’en servir de temps à autres pour jouer à des jeux d’aventure, privilège dont était jalouse Oriane.
- Le salon aux murs immaculés, comme tous ceux de l’appartement, possédait une superficie exceptionnelle. Il était de loin la pièce la plus impressionnante au niveau des dimensions. Il aurait très bien pu accueillir une salle à manger complète sans que cela nuise à la circulation des personnes, mais ni Julie, ni Nathan ne souhaitaient alourdir la pièce de meubles inutiles. Ils avaient préféré rajouter trois larges fauteuils en cuir blanc au long canapé d’angle de style identique qui trônait au milieu de la pièce. Devant celui-ci, fixé au mur, un grand écran plasma lorsqu’il était allumé apportait une touche de couleurs vives à cet univers pâle. À l’écart avait été agencé un coin bureau avec une haute bibliothèque vitrée. Là, Nathan recevait parfois, de façon très exceptionnelle, un client avec qui il avait noué des relations amicales. Touche toute particulière du père de famille, dans un autre angle de la pièce, un espace détente avec une table de poker et un guéridon dont le plateau faisait jeu d’échecs s’offrait aux visiteurs plus intimes. Nathan était un adepte de cet art et il pouvait réfléchir de longs instants pour résoudre une combinaison trouvée dans un magazine spécialisé et reconstituée par lui avec de véritables pièces. Il lui arrivait aussi de jouer contre des adversaires. Patrick, un ami de longue date, était son préféré. Il le battait régulièrement sans que celui-ci comprenne réellement comment il s’y prenait pour le vaincre. Ces victoires à répétition entretenaient en lui un sentiment de supériorité bien agréable et le confortaient dans la confiance qu’il avait depuis toujours en sa propre personne. Une fois pourtant, il avait voulu se mesurer à un inconnu, un simple ouvrier plombier qui était venu faire une installation et qui s’était extasié en traversant le salon devant la beauté des pièces de son jeu. Lui ne résista pas et l’invita à faire une partie. L’autre hésita, mais devant son insistance, il finit par accepter en se défendant néanmoins d’être un bon joueur. Ce jour-là, l’amour propre de Nathan en prit un coup, il perdit en moins de trente coups sur une combinaison de mat avec sacrifice de dame qu’il ne vit pas même venir. Après ce jour, il ne lança plus jamais de défi à d’autres personnes que celles qu’il était certain de battre presque à coup sûr.