(ce n'est pas nouveau, ici oui, mais bon, j'aime bien)
__________________Petit Crapaud_____
Sous son manteau de poils,
Son cœur d'artichaut gonfle, bien au chaud.
Petit crapaud, jeune et beau
Autant que peut l'être un amphibien de son espèce,
Aux yeux en globule, à la peau de pustules,
Attend que paraisse sa sienne princesse.
Au désespoir, il en appelle aux mages,
Aux druides celtiques, aux faiseurs d'illusions :
« — Faites battre pour une, mon muscle à ventricules ! »
Sur les bords de la mare, c'est tout un tintamarre.
Chacun et chacune coassent à merci :
« — Coas ? coas ? Qu'est-ce qui y a ? »
Avec un tel vocabulaire, difficile de philosopher.
Tout juste est-ce assez pour se faire remarquer !
Alors, il faut s'époumoner !
La surface de l'eau étoilée d'éclats de soleil,
Sous la brise mutine, ondoie et rutile,
Faisant mollement tanguer les nénuphars d'ambre.
Madame libellule, massif archiptère,
Sous l'azur cotonné de nuages,
Vrombit dans les airs au milieu des roseaux
Tandis qu'en voisines deux de ses cousines,
Belles et frêles demoiselles d'un bleu vif argenté,
Posées sur la rosée d'une feuille étirée,
Unies corps à corps, en gracieuses amoureuses,
Forment une boucle fermée croquant un cœur ajouré.
Au sommet du roi chêne, une corneille prêcheuse
En habit de nuit s'égosille à tue-tête :
« — Croas ! Croas ! Croas ! »
Je croirais si je veux !
Sur la branche d'à côté, Madame Pie s'amuse
On ne sait ni de qui, on ne sait ni de quoi.
Au dessus de sa tête, d'insolents martinets,
Experts aviateurs, filent, piquent et vrillent
Comme fous dans le vent volant en escadrille.
Plus près, noyées dans les verts,
De pucelles reinettes tournent des crécelles,
Pendant que les sauterelles grattent leurs archets.
Le printemps aux multiples fleurs vibre de toutes les ardeurs
Des habitants des alentours de l'onde.
Chacun s'en repart avec sa chacune.
Et c'est grande copulation sur la terre et sur l'eau
Sous le regard levé des poissons stupéfaits.
Petit crapaud, abandonné, ne croit plus aux fées.
Il crie des « coas » pour qui voudrait l'aimer.
Quand soudain, un silence inquiet se fait,
Crevé de « plouf ! » de « ploc ! »
Que grenouilles effrayées font dans leurs plongeons.
Apparaît alors une féminine et humaine vision.
Crapaud ne s'enfuit pas,
Il contemple, bouche bée, l'étrange apparition.
C'est un rêve, elle le prend entre ses mains
Et le porte pour poser sur ses lèvres un magique baiser.
Le charme opère et la voilà transformée
En une belle femelle au corps de batracien.
« — Réveille-toi crapaud ! Tu n'es pas le héros d'un conte de Perrault ! »
La jeune fille, grande comme une tourelle,
Observe le calme paysage et, après un temps,
Elle montre son dos et s'éloigne lentement.
La vie reprend.
______________D.R.K_____