Le parquet craque sous ses pas, l'homme traverse la pièce, le pas pesant sous l'habitude. Il perçoit l'espace d'un instant cette odeur d'encaustique qui le ramène à son passé, dans ces couloirs où nait l'oubli. Ce passé tellement tenace comme la pluie colle aux carreaux. Il va partir, sans un regret, sans un mot, englué de solitude.

La main légèrement tremblante il craque une dernière allumette... La fameuse cigarette du condamné... Chaque geste le renvoi à une image d'autrefois... si dérisoire. Dernières aspirations, même la fumée le dégoute, sa main écrase le mégot comme on met fin à une vie. Une dernière hésitation, l'homme ouvre le tiroir observe l'arme... l'éclat de l'acier le fascine. Une odeur de vieux papiers lui parvient, si lointaine... Comme si tous ses sens s'éveillaient pour l'occasion.

Il se sent terriblement seul, terriblement lucide, jamais il n'a perçu l'instant avec autant d'acuité et de détachement. Il observe sa main se tendre vers le pistolet automatique... elle ne lui appartient déjà plus. Le froid de l'arme le surprend, son poids aussi. Si irréel... et celui de cette mort qui se dessine. Dans la balance, le poids de ces années à ne pas savoir vivre, à ressasser l'inutile.

D'un geste mécanique il fait claquer la culasse, le destin est en route... l'heure est au choix. D'un doigt il repousse la sécurité. Dernière étape.. ne pas penser... juste en finir.

Le canon appuyé contre la peau, ultime sensation, index crispé sur la détente...Dernier regard à l'intérieur, toujours ce vide, toujours ce manque....et puis soudain la lumière blanche et le fracas et puis le noir.

Tout hébété l'homme réalise qu'il est en vie...L'orage a fait écho avant son geste...Et à ses yeux monte une averse.