Dehors c'est la tempête, la nuit semble se retenir aux branches dépouillées des arbres, un brouillard épais étouffe chaque forme, la maison dort encore, posée sur la colline et vibrant de forces clandestines.
Sur le bureau la tasse est vide, monolithe de porcelaine posé au milieu du bazar habituel, un fouillis de fils, chargeurs, casque audio, mon téléphone muet et quelques stylos. Une blague de papillote dit que l’existence n’est qu’une chrysalide, et que chacun s’évertue à différer sa mue, je n’ai ouvert qu’un volet, les gouttes giflent la vitre et je reste ainsi dans l’obscurité.
Tout à l’heure je m’activerai, vivante et gaie ; pour l’instant je prolonge la torpeur d’un songe et mes doigts sur le papier dessinent une sphère parfaite, dont le cœur est protégé.
Une odeur de forêt embrume mon âme, c’est l’éternité dans mon salon, dressée sous les guirlandes.
Mélusine a tonné sur la tour, et l’empreinte de son talon se lit encore sur mon front, cycle inachevé, je cherche à m’apaiser, je tiendrai bon, mes pas mal assurés traversent le sentier, devant moi dans la boue luttent ceux que j’aime, chacun malmené par ce que le destin sème, pourtant c’est seule que je dois m’affronter afin que mes enfants accostent de sûrs rivages, je ne peux plus à présent ignorer le passage.
L’émotion de les savoir si prêts, confiants dans le sommeil et joyeux dans la veille, m’étreint subitement, il y a ce tourment d’accepter l’impuissance, et que la liberté s’acquiert dès la naissance…
La rivière grossie des jours passés gronde dans la vallée, invisible à mes yeux elle m’emporte sous le vent, jamais plus je ne pourrai l’ignorer, un flux sauvage qui depuis longtemps se taisait.
Au seuil d’une nuit sans rêve, chacun prendra sa place car c’est ainsi que les douleurs s’effacent.