- Je te sens loin, d’un coup… J’imagine que tu broies du noir, que tu retournes dans ta tête des questions inutiles, toi qui m’as tellement appris à les débusquer pour ne pas perdre de temps ni d’énergie. Viens, redonne moi ta main pour que je la caresse de mes doigts rugueux et doux dans des gestes rapides et répétés qui t’énervaient certains jours. Vois-tu, ces caresses un peu mesquines, elles représentaient beaucoup de choses pour moi. D’abord je ne les prodiguais qu’à toi et leur rythme accéléré essayait de se calquer sur mon cœur qui battait de plus en plus vite, quand je te voyais, quand ton sourire qui précédait chacun de tes mots inondait mon espace. Je sentais ta chair, ta peau, je ne me rendais pas compte de tes brûlures, de tes coupures, de tes blessures, d’ailleurs pour moi, tu étais inoxydable, comme ce métal que tu domptais pour m’en parer. Es-tu en cuisine, en train de me préparer un de ces petits plats qui me faisait chavirer ? Es-tu au bras d’une rivale transportant ce que je n’ai pas réussi à capter de ton amour prolixe ? Le sais-tu, ma jalousie qui a un peu encombré nos échanges ces derniers temps était un effet sordide de ma maladie. Merci de ne m’avoir jamais tenu rigueur des scènes épouvantables que j’ai pu t’infliger. Tu avais compris avant tout le monde que je n’étais déjà plus moi-même, et ton étreinte qui achevait de me calmer pendant que ton épaule recueillait des larmes qui ressemblaient à celles que tu verseras plus tard était un modèle d’humanité. Je crois que c’est dans ces moments-là que j’ai compris ce que signifiait ne pas juger, quand tu rétablissais notre égalité en mettant dans une balance chargée d’injustice cette bonté qui pouvait être la mienne, à un autre moment. J’ai encore envie que tu me fasses rire. J’ai envie que tu me prennes en photo, moi qui refusais tout le temps, j’ai envie que tu me prennes en charge, moi qui mettais un point d’honneur à tout maîtriser, j’ai envie que tu me prennes en main, que tu me prennes dans tes bras, que tu me prennes, que tu me reprennes. Notre amour existe encore, tu m’as bien appris que l’amour ne concerne pas seulement deux personnes qui s’aiment mais que tout l’univers profite de cette énergie. Ce serait dommage de laisser de côté ce joli moment de développement durable. Reviens bander mes yeux de tes mains créatrices, reviens me dire tout ce que je t’apprenais, je crois que j’ai vraiment commencé à avoir confiance en moi avec toi. Je me savais maman, et tu m’as donné une vraie place de femme. Je me savais pleine d’énergie et enjouée, mais j’ai compris que j’étais belle aussi. Dis donc, ça n’aura pas duré ! Je sais que tu écris de nouveau, je t’en avais un peu empêché, bêtement, peut-être pour garder tes mots pour moi toute seule, je ne sais pas, je ne sais plus. Je ne sais plus rien d’ailleurs sauf une chose : je suis morte transportée par ton amour et cela vois-tu c’est presque mieux que la vie, presque. Rejoins moi, mais pas dans le même état, sinon, tu vas te faire engueuler encore une fois ! Rejoins-moi au bras d’une amoureuse, que je voie si tu es encore capable de te moquer de toi.
- J’arrive, ma belle douleur, laisse moi un peu de temps