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 La spirale de l'oubli Part 6

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Damona Morrigan
Fondatrice d'Alchemypoètes
Damona Morrigan

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MessageSujet: La spirale de l'oubli Part 6   La spirale de l'oubli Part 6 EmptyMer 7 Mai - 9:38

La spirale de l'oubli - Part 6



Le temps filait au rythme des saisons auxquelles ils ne portèrent plus autant d’attention qu’avant. Le moine et la prêtresse étaient trop pris par leurs besognes  respectives qu’ils ne se voyaient que très rarement, souvent par hasard, en se croisant quelque part sur le chemin, au village ou proche du prieuré. Et lorsqu’ils prenaient un peu de temps pour se parler, il y avait toujours quelqu’un pour leurs rappeler que le travail les attendait comme si cette relation dérangeait. Cependant, ils avaient instaurés un petit rituel entre eux. Ils communiquaient ensemble par écrit pour se raconter l’un à l’autre leurs journées de corvées devenues pénibles avec la nouvelle hiérarchie en fonction depuis quelques mois. Ils s’indignaient couramment de leurs supérieurs au sujet des réorganisations répétées des tâches au prieuré, au couvent et à l’abbaye. Dès fois ils leurs arrivaient de se moquer d’eux. Malgré cela, cette situation devenait de plus en plus éprouvante pour eux comme pour toute la communauté ainsi que pour les villageois. Le grand abbé récemment nommé devait faire ses preuves et  se montrait intransigeant, rigide et autoritaire envers tout le monde. Les pauvres gens perdaient leur assurance, leur courage, leur motivation et pour quelques-uns même leur savoir-faire à force d’être amenés à suivre les directives qui changeaient sans cesse. Beaucoup d’entre eux avaient préféré quitter la région et ceux qui n’avaient pas d’autre choix que de rester tombaient souvent malades, se blessaient ou pire encore trouvaient la mort volontairement ou par accident. La seule chose qui les faisait tenir, la prêtresse et le moine, était leur passion des livres. C’était pour eux une échappatoire à la dureté de leurs vies, aux injustices commises, aux trahisons subies.

Le frère Daniel soulagé et content d’avoir un chargement allégé en ce beau jour ensoleillé traversait comme d’habitude la grande forêt en revenant de l’abbaye. Il s’était accoutumé à ce trajet, il ne comptait plus le nombre de fois qu’il l’avait effectué depuis ses débuts au prieuré de Luréalone. Tout cela lui paraissait lointain. Il donna un coup de bâton sur le flanc de ses bœufs pour les ralentir. La charrette s’immobilisa à la croisée du chemin et du sentier qui menait chez la prêtresse. Après quelques pas, le moine sortit de son sac un livre et le glissa dans la boîte en bois calée entre les branches d’un vieux bouleau blanc. Il allait revenir sur ses pas lorsqu’il entendit un bruit tout près de lui. Il se dirigea lentement vers sa charrette tout en tendant l’oreille pour mieux définir la direction d’où lui parvenaient les craquements des branches. Il ne se sentait pas en danger car plusieurs fois déjà la prêtresse s’était jouée de lui en marchant exprès sur des bouts de bois morts pour lui faire croire qu’un voleur rôdait dans le coin et qu’il en voulait à sa vie. Brusquement de derrière les broussailles quelque chose surgit et se jeta sur lui. Le frère Daniel sentit son pouls s’accélérer alors qu’il se débattait contre son agresseur.
- Maudite crevure, dégage de là, lâche-moi ! hurla le moine en rage.
Le chat vola contre un arbre et retomba sur ses pattes. Le dos rond, toutes griffes dehors, il émettait des sons à faire peur à un ours. Qu’est-ce que j’ai fait pour qu’il soit aussi furieux contre moi se demandait le frère Daniel, il en a fallu de peu pour qu’il me crève les deux yeux ce foutu matou acolyte du diable.  
- Je t’avais mis en garde ! Chapristi pourquoi te fait-elle confiance. A-t-elle perdu toute sa raison pour se mettre en danger à cause de toi ! cracha le chat hors de lui.
- Mais de quoi parles-tu, je n’y comprends rien riposta le moine en restant sur ses gardes.
- Qu’as-tu fait du livre gros cornichon ? L’as-tu rapporté à l’abbaye ? Et avant de commettre cette énorme bêtise l’as-tu seulement ouvert espèce de moine empoté ? Par mes vibrisses chacrées évidemment tu l’as lu comme c’est toi qui l’as restauré et tu as osé le rapporter ! s’enragea le matou prêt à lui rebondir dessus.
- Stop la crevure, on arrête là. Avant de m’accuser de je ne sais quel crime par rapport à ce grimoire je t’informe qu’il est toujours en ma possession. Je ne saisis pas bien tes propos et je ne veux pas en entendre davantage se défendit le frère Daniel. Et maintenant laisse-moi tranquille je rentre chez moi et ne t’avise plus à m’attaquer sale crapule ni à m’insulter où je te brise la nuque pour de bon.
Piqué au vif par ces fausses accusations et les sobriquets insolents, le moine tourna le dos à l’animal en direction de sa charrette. Non mais quel culot, cette crevure mériterait une bonne correction. Je n’ai rien à me reprocher. Et de quoi se mêle-t-il, dire que c’est lui le voleur, quel hypocrite jugea le frère Daniel dans son esprit en reprenant le chemin du prieuré.

Alors que sa journée avait si bien commencé, le frère Daniel ne pensait pas revenir de ses livraisons de si mauvaise humeur. Cet incident dans la forêt l’avait profondément assombrit. Il broyait du noir. Pourvu que plus personne ne vienne croiser mon chemin pour me demander quoi que ce soit songea-t-il en sortant de l’étable après avoir libéré ses bœufs du joug, changé la litière de paille et rempli leur mangeoire. La cour était déserte. C’était l’heure de la prière. Soulagé par cet heureux hasard, le moine monta dans sa chambre ne manquant pas de se servir les restes du repas du soir dans la cuisine. Enfin il pouvait respirer et se calmer. Il regarda dehors et scruta les environs. Pas de crevure en vue exprima le frère Daniel à haute voix. Il préféra, par précaution, garder la fenêtre fermée et alla verrouiller la porte. Il se dirigea vers l’armoire, l’ouvrit et dégagea un coin de l’étagère du haut. Tout en promenant son regard dans la pièce comme pour s’assurer que personne ne l’épiait, il tira sur une cordelette d’un vieux sac en peau de daim. Il le ramena jusqu’à la table et s’y installa pour en extirper le grimoire qu’il avait pris soin de cacher à l’intérieur après la visite nocturne de la crevure.
Il se mit à feuilleter le livre à la recherche de quelque chose dont il n’avait aucune idée. Tout au long de son inspection, l’ouvrage lui révélait des secrets sur les plantes avec des croquis détaillés pour leurs indentifications et des annotations précises sur des préparations diverses destinées à prévenir ou guérir des maladies. Le chapitre suivant présentait plusieurs manières de créer une amulette et le rituel à pratiquer selon le souhait à exaucer. Un autre encore démontrait le pouvoir des pierres sur les différents états d’une personne et leurs influences. Il n’avait pas jugé utile de prendre connaissance de son contenu, il ne s’intéressait qu’au contenant lors de ses restaurations.  Subitement, ayant pris conscience du danger, le frère Daniel estomaqué, referma brutalement le livre. Il éprouva une angoisse si terrible que son corps vacilla lorsqu’il se leva pour remettre le grimoire dans sa cachette. Contraint de se retenir pour ne pas tomber le moine fit basculer la table. L’ouvrage dans sa chute sur le sol dévoila un dernier secret. Un papier plié avait glissé un peu plus loin. Fébrilement, le frère Daniel se pencha et le ramassa. Ses mains tremblaient. Il appréhendait ce qu’il allait découvrir. Il s’obligea à respirer profondément en fermant les yeux pour retrouver un semblant de calme puis s’armant de courage il déplia la lettre. Une révélation de plus ne changerait plus rien à sa situation. Encore il se trouvait dans une fâcheuse situation malgré lui mais cette fois sa colère n’éclata pas. Plus il progressait dans sa lecture, plus ses yeux lui faisaient défaut. Ils étaient embués de larmes. Une émotion vive lui serrait le cœur. Personne ne lui avait jamais écrit ces mots-là. Il n’y avait pas de doute, cette déclaration lui était bel et bien destinée et elle était signée de la main de sa prêtresse.

Il inséra la lettre dans le grimoire qu’il remit dans son sac. Il fit un double nœud après avoir bien serré la cordelette et le replaça dans sa planque sous le matériel stocké sur l’étagère de son armoire. Le frère Daniel se précipita vers la fenêtre et se pressa pour l’ouvrir. Il manquait d’air. Sa chambre lui paraissait soudain très étroite, vide et froide. Une pensée folle lui traversa alors l’esprit. Il allait trouver sa prêtresse oui et sur le champ, pour la rassurer, lui expliquer qu’elle n’avait rien à craindre, que son livre était en lieu sûr, personne ne mettrait la main dessus, surtout pas le grand abbé, non surtout pas lui et, il lui avouerait aussi, lui ouvrirait son cœur, il la prendrait dans ses bras et la serrerait très fort contre lui. Tout d’un coup, le vent souffla et le fit frissonner. Son euphorie avait disparu, son sourire aussi. Son visage redevint grave. Non il n’était pas prêt. Il ne devait pas craquer. Il rabattit les pans de sa fenêtre puis alla directement se coucher. Emmitouflé dans sa couverture, son corps bien au chaud, il tomba rapidement dans un sommeil profond.  

Le lendemain, le jeune moine reprit le cours de sa vie en s’abstenant de laisser vagabonder ses pensées et en se concentrant uniquement sur son travail. Il avait tout bonnement décidé d’ignorer ses découvertes de la veille, d’occulter les évènements et leurs conséquences dans les limbes de sa pauvre tête, un trou dans sa mémoire dans lequel il jetait tout ce qui le perturbait, l’ennuyait ou l’angoissait pour s’en débarrasser. Une sorte de gouffre à phobies auxquelles il refusait de faire face. Il s’arrangeait donc d’éviter dans la mesure du possible sa prêtresse. Ce qui lui réussissait plutôt bien et lorsqu’il était forcé de lui parler, ne voulant pas la froisser ni éveiller des soupçons pour sa conduite peu orthodoxe, il débitait tout ce qui lui passait par la tête dans un flot incessant de mots et d’idées puis il inventait un prétexte quelconque pour fuir au plus vite avant que leur conversation ne devienne plus sérieuse.
Les semaines passèrent dans la routine de son quotidien. Il ne la voyait plus guère, c’était comme si son Dieu avait entendu et exaucé son vœux. Cependant, le frère Daniel ne s’accommodait pas à cette solution certes efficace mais trop radicale à son goût. Il devait admettre, gêné,  sous le regard du tout puissant que la prêtresse lui manquait et donc le pria qu’il daigne lui consentir le droit de continuer à échanger des messages avec elle. C’est ce qu’il fit sans attendre le jour même. Il ne reçut en réponse qu’un mot bref de sa part qu’il trouva dans un livre récupéré dans la boîte nichée sur le vieux bouleau blanc au bout d’une semaine. Déçu, il regretta d’abord de lui avoir écrit mais en y réfléchissant plus longuement, il savait  au fond de lui le pourquoi du comment, il connaissait la raison de sa retenue, du moins il le pensait.
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Dark-Phoenix
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MessageSujet: Re: La spirale de l'oubli Part 6   La spirale de l'oubli Part 6 EmptyJeu 8 Mai - 12:30

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