Je me réveille. Doucement je reviens à moi. J’ouvre les yeux pour m’assurer que je suis encore dans ma chambre des enfers. Oui, rien n’a changé. J’observe chaque chose dans la pièce pour m’en imprégner, les garder gravées dans ma mémoire. Deux nuits. Il ne me reste plus que deux nuits. Les roses sont toujours aussi belles. Je me redresse et m’étire. Quel moment de tranquillité ! Plus de lamentations, plus de pleurs, plus de colère ni de haine, ni de jalousie, ni de peur. Qui aurait cru qu’un réveil en enfer pourrait être aussi agréable ! Il me manque. Je ne l’ai pas vu en retournant dans ma chambre lorsque j’ai quitté les âmes errantes. Je me demande ce qu’il fait de ses journées et de ses nuits. Et là, où est-il ? Que fait-il ? Le lit bouge. Tout bouge. Je reconnais cette sensation celle d’un transfert dans un autre lieu. Malgré le vertige qui me prend à chaque fois, je suis impatiente de voir où il m’emmène et j’espère le trouver à mes côtés même s’il ne me parle pas, sa présence sera déjà un très beau cadeau pour moi. Je suis assise sur un banc au milieu d’un jardin. Partout où mon regard se pose il n’y a que beauté et douceur. La lumière d’une nouvelle aube qui se lève s’étale sur les présents de la nature généreuse et bienfaisante en touchant mon cœur fragile et en me volant une larme de bonheur pur. Si j’en avais un, il serait comme celui-ci. « Ce jardin est comme ton cœur, ma petite âme errante vivante. Je te fais la promesse de le choyer pour qu’il soit le plus précieux de mes souvenirs pour toute l’éternité » me susurre t-il en passant ses doigts sur ma joue mouillée. Je suis si heureuse de le voir, d’entendre sa voix dans ma tête ! Comme j’aimerais qu’il me prenne dans ses bras ! Mes yeux ne peuvent plus se détacher de lui. Son visage s’est adoucit, ses traits durs et sévères ont presque totalement disparu. Je ressens une tristesse qui émane de lui, sa solitude, sa lassitude. Je ne résiste pas plus longtemps à ce que mon cœur me dicte de faire. Je l’entoure de mes bras et l’attire contre moi. Il pose sa tête sur mon épaule et je le serre très fort. Je crois bien qu’il pleure ! Le Seigneur des ténèbres serait-il en mal d’amour, en manque d’affection ? Lui qui passe pour un être sans pitié, sans compassion, incapable de montrer et de ressentir de l’amour pour son prochain ! Au bout de quelques minutes de silence, il me réaffirme que ma place n’est pas ici, que mon monde a besoin de moi, que j’ai encore des choses à accomplir avant le grand repos. Et aussi, que je ne suis pas prête de basculer dans l’autre monde et même si je l’étais, mon âme ne choisirait pas cet endroit, son royaume, celui des ténèbres. Je ne lui réponds pas. Intérieurement, j’explose en mille morceaux. Je comprends l’importance de ces paroles et la réflexion qu’elles m’imposent. Cela n’empêche pas pour autant de me libérer pour un bref instant de ce mal être qui s’empare de moi et qui lentement mais sûrement me tuera. Et, avant que son image s’évanouisse je lui adresse ses mots qui pèsent si lourds tel un fardeau qui s’alourdit au fil des années. « Mon monde n’est pas différent du vôtre Seigneur des Ténèbres, j’ai si mal pour lui, si mal. Et dans mes moments de grande faiblesse je n’ai qu’un souhait, ne plus rien voir, ne plus rien entendre, ne plus rien ressentir »…