Te souviens-tu quand on s’enlassait amoureusement ? Te souviens-tu des mots inaudibles que j’ai prononcés ? Te souviens-tu m’avoir entendu appelée les Dieux à mon secours ?

Ta présence réchauffait mes désirs et les rassasiait. Nul n’aurait pu les combler mieux que toi. Avant, j’avais avoué que tu étais mon ancre, celle qui me permettait de retrouver un équilibre et je me rappelle tes réticences, tes « oui mais », ton détachement soudain car tu craignais insidieusement que je ne supporterais pas la fatale rupture. Si vite, tu as maquillé le destin pathétique auquel tu allais nous condamner, par ton Verbe d’amant qui souffrait des mêmes émois, tendres et démesurés, à mon égard. J’aurais aimé que ta bouche puisse taire les mensonges honteux que tu m’as donnés à voir dans leur manteau de saphir.

J’aimais ta tête sur ma poitrine où mon cœur s’emballait, palpitait sauvagement, tambourinait, moribond. J’aimais ta langue qui léchait mes seins glacés par un temps trop amer - ce temps de folie lasse. Moi, la furie ou peut-être archange savourant le plaisir, tu en as lâchement eu pitié pour taire cet autre mensonge qui aurait été ta vérité.
Mes angoisses ont été le jouet de tes mains, mon amour celui de ton esprit. Ne crois-tu pas que, pour t’aimer, pour me lover sur ton corps brûlant, je n’ai pas eu l’intuition de toi, la délicieuse sensation du désir comme le sentiment assassin de ton désespoir ?

J’ai goûté au sel d’un paradis merveilleux et de la Soufrière, enfer terrifique.
Je me suis noyée dans mon rêve soporifique, dans mes envies de grandeur, dans mes idéaux de petite fille… Regarde ce que je suis aujourd’hui, regarde ce que je suis devenue, regarde ma douleur et ma peur, ma soif de toi, mon déni d’amour propre.
Que ne serais-je pas prête à faire, à subir pour avoir une fois encore ta main dans la mienne, ce « Je t’aime » susurré et ces baisers !
Je n’ai plus de visage, le reflet de ma peine y masque les traits, je ne suis que mon pire cauchemar, l’ombre d’un amour délaissé et d’une déception accrue, la sombre silhouette d’une fille au cœur brutalement arraché par un être hypocrite.

Les larmes ont raison de moi, même ma force est estropiée sous ton passage. Si tu n’étais pas venu dévaster le champ de mes rêvasseries, si tu m’avais laissé récolter l’illusion passionnelle, si tu ne m’avais pas amené aux confins de l’amour pour me jeter plus violemment sur le terrain ravagé de la réalité, mon âme aurait volontiers continué son périple et déposé l’ancre à un endroit plus clément. J’aurais sûrement moins souffert d’être pour toi le fabuleux carrosse qui, à minuit, redevient une pitoyable citrouille. J’aurais aimé que, l’heure fatidique trépassée, tu restes et le prince charmant et la princesse, âmes charitables et fantastiquement passionnées. Tu t’es dévoilé plutôt comme l’une des mégères qui s’habillent de splendides robes pourpres et portent des parures dorées ; elles qui délaissent leur demi-sœur enchaînée au joug des soins qu’elles réclament, mesquines.


Je suis « coupable en quelque sorte d’être par toi blessée »… [Tu Vas Me Quitter – Hélène Ségara]


« Là, dans mes yeux, je suis sûre vous pourriez lire ces mots d’adieux que je n’ai pas su lui dire »… [Mrs Jones – Hélène Ségara]

Bellement écrit, je trouve.

Un très beau texte, touchant, poignant, où le seul tort que tu as eu a été de vouloir vivre tes rêves aux dépens de la réalité... et d'une personne indigne de confiance... Je me retrouve dans le fond de cet écrit, sauf que pour moi le prince s'est dévoilé manipulateur et tyran, et que je me suis retrouvée dans la peau de cendrillon...