Chapitre Douze
- Quoi ?
Grégory et Denko s'étaient exclamés en même temps. Je me contentai de hocher la tête.
- Denko... ou Grégory, peu importe... Est-ce que j'ai quelque chose sur l'épaule droite ?
J'ôtai mon manteau. Denko observa attentivement mon épaule. Je répétai ma question :
- Est-ce qu'il y a quelque chose ?
Denko plongea son regard noir comme l'ébène dans le mien. Oui. J'avais quelque chose sur l'épaule. Je n'osai pas regarder.
- Qu'est-ce que c'est ? murmurai-je.
- Du cristal, répondit Denko. Du cristal.
Je me mordis les lèvres et remis mon manteau. Déjà que je suis poursuivie par un Jegran et un Blaze très agaçants mais en plus, je me découvre des pouvoirs ! Pourquoi ai-je des pouvoirs qui ne se révèlent que maintenant ? Pourquoi ai-je autant de problèmes qui me tombent dessus ? Et pourquoi, pourquoi... Tellement de questions sans réponse. Mais, en auront-elles un jour ?
Grégory me tira de mes pensées – ma foi, très philosophiques – d'une petite tape sur l'épaule. Nous sortîmes tous les trois de l'écurie, encore bouleversés par les événements. Une fois à l'extérieur, Denko brisa le silence.
- Ce n'est que maintenant que tu les découvres ?
Par « les », il voulait dire mes pouvoirs.
- Oui, répondis-je en fourrant mes mains dans mes poches, je n'ai jamais ressenti cette brûlure sur l'épaule ni jamais soigné quelqu'un. C'est tellement...
- Inopiné ?
Je levai les yeux vers Grégory. Avec le froid, le bleu azur de ses yeux virait au bleu lagon. Je hochai la tête.
- On peut dire qu'ils sont arrivés au bon moment, ajoutai-je. Sans eux, je serais morte à l'heure qu'il est, et Denko aussi. Je me demande quand même d'où ils viennent...
Une porte s'ouvrit doucement à notre droite et me fit sursauter. Le vieux moine en sortit, accompagné d'une jeune sœur aux cheveux bruns. Je la reconnus immédiatement : c'était elle qui m'avait menée à la tombe de ma mère. Elle semblait très apeurée. Ils s'avancèrent vers nous. L'abbé prit la parole, quelque peu hésitant :
- Nous avons entendu un coup de feu et, heu... nous pensions qu'ils t'avaient tuée...
Je jetai un regard à mes deux compagnons. Devions-nous révéler au moine ma nouvelle nature ? Oui, mais pas à cette jeune fille tremblante qui se tenait à ses côtés. Elle s'agrippait à la cape du vieux homme, comme si elle avait vu un esprit ou un gobelin.
- J'ai à vous parler, commençai-je, mais...
Je regardai avec insistance la sœur. L'abbé la congédia, ce qu'elle fit, après m'avoir lancé des regards très peu amènes. Puis, l'abbé nous fit entrer par la porte. Nous traversâmes un long couloir orné de portraits de vieillards barbus. Des noms étaient inscrits mais le temps avait commencé à les effacer. Nous arrivâmes à une petite pièce, peu éclairée. Il n'y avait que trois fauteuils et une petite étagère, supportant une dizaine de livres.
- Je vous présente le Salon Secret du Monastère, annonça le moine. Il n'y a que trois personnes, sans me compter, qui connaissent son emplacement.
Lui et la jeune fille, évidemment. Mais qui peut bien être cette jeune fille pour avoir accès à cet endroit secret inconnu des autres moines ? Et qui est l'autre personne ?
- Je n'ai pas eu le temps de vous la présenter mais vous avez pu apercevoir ma petite-fille adoptive, Mirina.
- C'est une très jolie jeune fille, monsieur, entendis-je dire Denko.
- Elle tient cela de sa mère. Elle est un peu... comment dire... un peu sauvage. Sa sœur jumelle, Neïla, est plus sociale avec les gens, bien qu'elle soit très timide.
Mais bien sûr ! Ce n'est pas Mirina que j'ai vu dans le jardin, mais sa sœur !
- Si ce n'est pas trop indiscret, pourquoi Mirina est-elle aussi peu agréable ? demandai-je à l'abbé.
- Les petites vivaient à la Capitale, avec leurs parents. Ils formaient une famille heureuse, comblée. Jusqu'à ce que Jegran arrive (Il soupira et prit place dans un fauteuil.). Il avait réussi, par on ne sait quelle manière douteuse, à convaincre l'ancien roi lilty, le père d'Althea, d'instaurer un nouvel impôt. La famille de Neïla et Mirina n'était pas très riche. Ils ne purent payer l'impôt. Jegran les harcela et, un jour, il tua leurs parents. Les jumelles avaient réussi à se cacher. Depuis, elles vivent ici, sous ma protection et celle des autres moines. Et c'est très naturellement qu'elles m'appellent grand-père, ajouta-t-il dans un sourire. Que voulais-tu me dire Natacha ?
Je fronçai les sourcils.
- Tu voulais bien me dire quelque chose, n'est-ce pas ?
- Nous avons découverts que Natacha était une porteuse de cristal, répondit Grégory à ma place. Il y a du cristal sur son épaule. Nous ignorons d'où viennent ses pouvoirs de guérisseuse.