La fin des temps
Il était arrivé on ne sait d’où,
Il disait être tombé du haut du ciel,
Puis il s’était mis à parcourir la terre
En criant des mots que personne n’entendait.
« Tremblez les gens, tremblez !
Voici qu’arrive la fin des temps »
Bien sûr, on lui avait ri au nez,
Comme l’on rit des fous,
Surtout s’ils ont l’accent étranger.
On n’avait pas ri longtemps,
Car vint un matin qui n’était pas un matin.
Dans la nuit, le soleil s’était éteint.
Il n’y avait plus de soleil,
Plus de soleil…
Même les étoiles au firmament avaient disparu,
En même temps.
Le feu des volcans avait cessé de jaillir de la terre.
La terre d’ailleurs n’avait plus pour cœur
Qu’une boule de fer et de magma solidifiée.
Le Bon Dieu, se disait-on
Quand on avait un peu de religion,
Avait éteint la lumière.
Ainsi, noir était à présent l’univers.
Déboussolés, les gens étaient sortis de leur lit
Puis à tâtons, ils s’étaient habillés,
Comme ils l’avaient pu,
Dans l’obscurité puisque
Tout avait cessé de fonctionner.
Alors, ils avaient quitté leurs maisons
avec l’assurance des aveugles,
En suivant le chemin que leur montraient leurs mains,
Et une fois au-dehors
Ils avaient senti le vent caresser leur peau,
Un vent glacé et mourant.
C’était une sensation très désagréable,
Mais comme elle était la seule preuve de leur réalité,
Ils s’en contentaient,
Et même ils lui trouvaient, tout compte fait, un peu de bon,
Un souffle, c’était déjà quelque chose.
Leurs yeux s’étaient mis à fouiller la nuit,
En vain, car nulle chose ne renvoyait d’éclats
Puisque toute source lumineuse avait cessé de l’être.
Comme ils ne pouvaient plus voir autour d’eux,
Ils prirent peur, craignant d’être morts dans la nuit,
Sans s’en être rendu compte,
Ce qui n’aurait peut-être pas été très différent,
Aussi se mirent-ils à lancer des cris.
D’autres revenaient comme des échos.
Mais ils paraissaient si lointains.
Il semblait impossible de remonter à leur source.
Les bruits mouraient étouffés par le froid et les ténèbres,
Même ceux que faisaient habituellement les vivants,
Le bruit de leurs pas, celui de leur respiration.
Puis, par lassitude sans doute,
Ils s’étaient tus.
Alors, ils avaient plongé en eux même,
Chacun à l’intérieur de soi,
Et tous avaient pensé aux mêmes choses,
A tout ce qu’il ne leur serait plus jamais donné de voir.
Au rouge des joues des enfants,
A la couleur de leurs yeux pétillants.
Au vert des prés, des bosquets, des forêts,
Aux fleurs multicolores, aux roses, aux boutons d’or,
Au bleu du ciel, aux nuages cotonneux gris et blanc,
A l’émeraude de la mer, au bleu sombre des océans,
A l’ocre de la terre,
Aux aubes grises, aux champs de neige,
Aux crépuscules flamboyants,
Aux cieux enflammés,
Au rougeoiement du soleil,
Au clin d’œil de la lune,
Au bonheur d’être.
Et comme ils ne savaient ni que faire, ni où se rendre,
Incapable de retrouver leur chemin,
Leurs mains n’ayant aucune mémoire,
Pour aller où d’ailleurs,
Ils s’asseyaient là et attendaient
Sans savoir ni qui, ni quoi.
DRK