Chapitre Vingt
Je soupirai, déçue. J'avais la désagréable impression de lui avoir fait confiance trop vite. L'amour rend vraiment bête, parfois...
Haussant les épaules, je me mis à penser à mon père inconnu. Je savais qu'il était un « cristalliseur » et que ma mère en était une également. Donc, je ne pouvais pas posséder ce pouvoir. Après tout, tant mieux, c'est un pouvoir dévastateur. Je repensai alors à Mina, ma chère Mina. Elle aurait donné son cœur et son âme pour qu'on lui offre un peu d'affection. Elle a été cristallisée alors qu'elle n'avait rien fait.
- Tout ça à cause de Jegran, murmurai-je.
Je me redressai d'un coup.
- Jegran... Mais oui ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Cela me paraît tellement évident, maintenant...
Je me ruai hors de ma chambre et percutai violemment Denko, qui marchait dans le couloir.
- Denko, réunion, immédiatement, tout le monde ! m'écriai-je.
- Heu... D'accord ?
Il alla chercher Mynt et Cid et les emmena dans la pièce principale. Grégory y était déjà, à croire qu'il m'avait entendue. Tous me regardèrent, interloqués.
- Je sais qui est mon père et pourquoi Jegran veut ma mort.
Les yeux s'écarquillèrent, les bouches s'ouvrirent. Grégory brisa la glace :
- Qui est ton père ?
- Jegran lui-même, déclarai-je, étrangement calme. Il ignorait que ma mère était une « cristalliseuse », comme toutes les femmes de sa famille avant elle. Les garçons de ma famille sont toujours nés sans pouvoir. Seules les petites filles en possédaient. L'attaque des gobelins dans les Plaines du Lett n'était pas un accident mais un coup monté par Jegran pour pouvoir soutirer à ma mère tout ce qu'il voulait.
- Comme te tuer, compléta Denko.
- Exactement. Il avait peur que je naisse avec son pouvoir. S'il avait su que ma mère possédait déjà ce pouvoir et que je ne risquais pas de l'avoir à mon tour, peut-être ne l'aurait-il pas tuée. Peut-être qu'elle serait toujours là...
Grégory se leva et se prit le menton à deux doigts, l'air de réfléchir.
- Donc, si Jegran apprend que tu n'as pas son pouvoir... Il arrêtera de te poursuivre...
- Il faut essayer, ajoutai-je.
- Il faut essayer... reprit-il.
Des coups résonnèrent soudain dans l'atelier. On frappait à la porte métallique. Les Selkies et Cid se levèrent et Denko posa ses mains sur mes épaules, dans un geste protecteur. Nous demeurions immobiles car nous savions déjà qui frappait si fort.
- Cid ! vociféra la voix. Lilty de malheur, ouvre cette porte ! Je sais qu'elle est ici !
- Il y a un levier pour ouvrir la porte à l'extérieur, marmonna Cid, sombre. Grégory... Tu sais ce que tu dois faire s'il ouvre ?
L'intéressé hocha la tête et vint se placer devant tout le monde.
- Rassemblez-vous derrière moi, murmura-t-il.
Nous nous exécutâmes, sans un mot. La porte commença à s'ouvrir : ils avaient trouvé le levier. Nous retînmes notre respiration. Denko resserra sa prise sur mes épaules.
