Le sentier
Je me sais sous la voûte des arbres, je marche, pieds nus, je voudrais être libre d'aller où bon me semble mais le sentier lui est étroit et sinueux et m'emmène où peut-être je ne devrais pas aller.
Une fougère m'enlace et me blesse ; sa coupure réveille des parfums verts et profonds un essaim est dans ma tête.
Sous mes pieds le chemin caillouteux se fait ornières... les racines des arbres amis veulent me tirer en arrière ; je les ai toujours aimés ils me le rendent et veulent m'alerter.
D'autres chemins sont possibles descendant moins bas qui n'ont pas cet attrait.
Mes pas n'ont jamais été mesurés grande enjambées gauches et rapides je cours presque et me blesse.
Le vent referme derrière moi l'étoffe de la forêt. Je ne vois plus où je vais, la nuit est partout décuplant les odeurs et les bruits. Le sentier me guide et attire mes pas, tout est de mousse douce et trompeuse à présent je ne saurais faire demi-tour.
Les sapins ont baissé leurs branches et retenu leurs épines, vaincus.
Le sentier s'élargit se fait sable soyeux sous mes orteils; la forêt souffle et tonne un vent contraire pour me garder encore, crissements et craquements sont autant d'avertissements sonores.
Le sentier est un à-pic où je me laisse glisser.
L'eau paisible du lac en bas s'est refermée.
Les branches des sapins noyées dans son miroir psalmodient leur désespoir.
Mais demain l'aube effacera mes traces et les arbres auront oublié.