Le suaire fracassé s'estompe
Dévoilant sur ton corps ivre
Une plaie d’indifférence et de pus
Lentement de tes ongles tu grattes
La douleur qui t'autorise à vivre
Tant que suinteront tes stigmates

Pâle Narcisse au corps rompu
Quelle souffrance ancienne revis-tu?

Tu allonges au bord d’une eau vide
Ton âme tortueuse et morbide
Penché sur ton reflet
Tu en animes la noirceur
Et caresse avec bonheur
Sa déchéance volontaire

Tu jouis de ton abandon
Dans ces rues familières
Où tu brandis tragique bannière
L’écho de tes trahisons
Errances renouvelées sans cesse
D’un vagabond aveugle à sa détresse

Pâle Narcisse à l’esprit fier
Qui a changé ton cœur en pierre ?

Echo avait cru trouver corps sur ses collines
Et tourner ses pensées vers un appel ultime
Elle s'est désincarnée et n’habite plus
Ses espoirs déchus
Derniers mots en leitmotiv
D’une agonie définitive

Tu as porté longtemps un banal trophée
Agrafant à ton cou l’épreuve d'une vie
Lorsqu’il n'a plus été que remords et oubli
Que tu n’as plus supporté
Ce volcan sous ton front
Dans l'eau tu t'es jeté

Pâle Narcisse à l’âme-tourbillon
Trouveras-tu l’absolution ?

Un écho tourmenté répond à tes sanglots
On peut voir brassés dans la nasse des flots
Quelques pétales indemnes
Tissés de fragiles antiennes.




* J'ai emprunté la trame de ce fragile tissu des mots à Ovide et ses Métamorphoses, celle d’Écho la malheureuse éconduite et celle de Narcisse , égo perdu. J'ai dans l'oreille la chanson d'Hubert Félix Thiéfaine, Narcisse 81 , et à l’œil la peinture de Dali.

Magnifique ensemble qui donne un écrit plein de richesse, de sens, et de profondeur, j'aime beaucoup !

Corps plié sur des souffrances perdues mais combien présentes . Dali se prête bien à tes brûlures.