Relier un à un les points sur ma peau…
Je m’abandonne au souvenir
Je suis envahie par les ronces
Clairières et bois m’appartiennent
Je suis la branche je suis l’écorce
Sous mes pas la forêt craque ses os
Sur d’épineux taillis je déchire ma chair
Dans ma hâte de m’enfoncer plus avant
Décorant ainsi en lambeaux sucrés et clairs
Un sentier vindicatif, une plongée vers l’oubli.
Épicéas et sapins se figent sur mon passage
Retiennent leurs murmures
Élèvent leurs branchages
Peu importe s’il fait jour ou s’il fait nuit
Je me suis aveuglée de l’intérieur
Rien ne dort jamais je sens la vie
D’obscurs instincts grouillants
S’agiter en multitudes invisibles
Relier un à un les points sur ma peau
Obtenir le tatouage ultime
Des parfums puissants me frôlent de toute part
L’odeur musquée me fait tourner la tête
Ici point de remparts
Je pense à peine
J’élague mes espoirs et mes peines
Je ne suis que membres déployés
Sensation de mon corps qui fonctionne
Qui obéit quand j’ordonne
J’ai plié sur une souche mes restes d’humanité
Haillons montre souliers
Je n’ai plus besoin du temps
Je suis déjà dépassée
J’assiste à des combats violents
Défaites insensées
Victoires obtenues à des prix sacrifiés
Relier un à un les points sur ma peau
Vivre l’ivresse
La mort est partout tout le temps
Dans cet arbre fracassé
Dans cet insecte écrasé
Dans les herbes pourrissantes en bordure du marais
À l’œuvre en moi depuis longtemps déjà
J’enfonce des coins solides dans mes plaies fissurées
Béante ainsi je marche encore
J’ai perdu le nord
Le vent embrasse ma taille
J’ai soif j’ai faim
La pluie lave mes failles
Mes cheveux se font lichens ou toile d’araignée
Je suis alerte ouverte
Mes yeux révulsés
Perceptions douces brutale entrée
Sabbat de sève dans mon corps
Relier un à un
Les points sous ma peau
Caresser l’hydre
Dans mon cerveau
Jouir
De sa complexité nerveuse
Être vivante
D’impudeur infamante
Dans la cartographie des écorchures
Des hématomes qui suppurent,
Prendre corps
Ou, peut-être, oublier.