___________________________________L'Immortel_______________(2)
Lui se souvenait de ce jour, il avait vu l’éclair blanc qui avait traversé le ciel et la silhouette blanche qui le chevauchait, tout comme il avait vu la hache de feu s’abattre sur son fils et le découper comme un bœuf à rôtir. Les années qui suivirent devinrent une longue fuite pour tous les survivants de son peuple éclaté. Partout, la haine les poursuivait armée de piques et de haches de pierre. Arriva un jour où, de ceux qui allaient en sa compagnie, il ne resta plus que lui. Il était arrivé au bord d’une mer. Jamais il n’avait vu une telle immensité. Il fut capturé là, le regard posé sur l'horizon, devint esclave, le resta des ans puis, comme il s’approchait de la vieillesse, on décida pour lui sa fin. Au loin grondait la montagne de feu que le peuple vainqueur des siens vénérait. Il fallait apaiser le dieu assoupi en dessous et qui, pour une raison qui ne regardait que lui, laissait gronder sa colère. Lui serait le don qui devait l’apaiser.
On l’emporta donc au midi du jour jusqu’au bord du cratère au fond duquel l’on pouvait voir le sang de la terre bouillir. Les mages entièrement vêtus de blanc et les cheveux fleuris firent les incantations d’usage et lorsqu’elles furent terminées, on le poussa dans le vide sous les clameurs d’une foule rassemblée. Lui tomba rudement sur une roche après avoir dévalé une longue pente et comme on le crut mort, on l’abandonna à son sort. Le soir vint et le trouva toujours sans connaissance, à moitié brisé sur son rocher noir. Le froid grandit et au milieu de la nuit, Lui revint au monde. Sa douleur était immense. Toutes les parties de son corps hurlaient faisant résonner dans son âme le chant de l’agonie. Mais Lui n’était pas prêt à restituer sa vie à une quelconque divinité à qui il n’accordait plus sa confiance. Il souleva sa carcasse désarticulée et commença à escalader la paroi. Sous lui, le feu incandescent dispensait une lumière rousse comme celle de la lune d’été. La montée était éprouvante et plusieurs fois il crut devoir abandonner. Il se retint. Sa volonté était puissante et une voix à l’intérieur de son esprit lui disait qu’il n’était pas encore temps de mourir. Surmontant la douleur, il poursuivait son ascension avec pour point de mire le cercle d’étoiles qui au-dessus de lui vibrait. Mais la chute avait été plus haute qu’il ne l’avait cru. L’aube arriva alors qu’il n’avait pas encore touché au but. Épuisé, il décida de s’arrêter un instant afin de reprendre des forces. Il aperçut un renfoncement où il pourrait se blottir et peut-être s’endormir en attendant que ses forces reviennent. Il s’approcha et alors qu’il se préparait à se glisser dans le trou, il découvrit trois œufs roux de la grosseur de la tête d’un homme. Il n’en avait jamais vu de tels, ni en taille, ni en couleur. À ce moment, son ventre cria. La faim lui rappelait que le meilleur moyen de retrouver ses forces était de manger. Il ramassa une grosse pierre et s’approcha des œufs. Son intention était de briser les coquilles et de dévorer ce qu’elles contenaient. Il souleva la pierre à bout de bras et il s’apprêtait à frapper lorsque surgit un grand lézard ailé à la collerette rougeoyante qui se mit à cracher de colère en montrant des dents pointues et en griffant l’air de ses griffes longues et acérées.
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