Jadis un homme m’a aimée,
Trop
Et pas assez
Lasse de vibrer des cordes insensibles
J’ai ratatiné ma chair
Et je me suis réfugiée
Sous un marbre clair
Refusant ton absence
Je m’offris aux passants
Des mains m’ont caressée
Avec indifférence
Sous le regard du temps
Des corps pressés contre mon socle
Réchauffaient ma peau inerte
Et les éclats transis de la perte
Se sont mêlés au grain froid
De la pierre
J’ai oublié de ressentir
Observant avec curiosité
Les amants et leurs désirs
Enlacés à mes pieds
Une voix parfois me parvenait
Un langage ancien, qu’il me semblait connaître
Mais que ma gangue protectrice
M’empêchait de déchiffrer
Quand tu venais pleurer
Titubant de misère
Mon beau visage lisse
Devenu sourd et muet
Un froid plus vif encore
Me drapa tout entière
Tissant sur mes membres dénudés
Le confortable linceul
D’un oubli commandé
- quelle douleur alors m’a saisie ?
Celle d’une âme rendue à la vie ?
Quels sont les échos tourmentés
Qui ont pénétré mes fissures
Forçant dans la glace
Mes blessures ?
Un lent battement m’échappe alors
Le sifflement brûlant de l’athanor
Gémissant, murmurant, geignant sous les efforts
Un rythme régulier
Cogne sous la surface
Et m’effraie : un cœur restitué
Une eau nouvelle réchauffe mon visage
Rien qu’un instant
Mon regard s’aiguise
Et mes lèvres murmurent
Le chant d’une aube grise
La neige a recouvert
La mort sous tes paupières
Et quand on est venu te dégager
La statue a pleuré.