Ben alors, tu es venu te recueillir sur ma tombe, toi…
Je m’en trouvée honorée, grand homme, je croyais que tu n’attachais pas d’importance à ces rituels désuets. Alors, ça fait quoi de voir le nom de ta chérie en lettres d’or gravées à côté de celui de son mari, cet autre nom que tu avais rénové avec toute ta maestria de faiseur de belles choses ? Si je ne me retenais pas, je sortirais bien mes bras pour t’étreindre, tu me manques un peu quand même. Mais ce serait donner du corps à cette névrose religieuse de la réincarnation, ça ne te plairait pas, j’imagine.
Ça vaudrait le coup pourtant, je ne t’ai jamais vu sapé comme ça… bien sûr pour ton amoureuse, tu t’habillais en jeans noir, chemise noire, pull noir, chaussures noires pour ne pas te tromper de couleur… j’ai toujours trouvé cela un peu, comment dire, morbide, hihihi, alors que là… ha non, tu es en noir aussi, de pied en cap. Mais tu as l’air d’un prince, mon prince.
Bon et cette messe ? Avec mes parents en plus, je crois rêver ! As-tu réussi à leur dire comment ils m’ont pourri la vie avec leurs bonnes intentions ? Pas encore, vous avez dû parler de vos chagrins respectifs… ils sont très fort sur ce chapitre. Au moins on comprend mieux pour quelles bonnes raisons on peut se détacher de la religion. Tu sais je ne suis pas morte par hasard, c’était le bon moment pour mon petit dernier, oui, je sais que tu sais. N’empêche je serais bien restée encore un peu avec vous, ta sollicitude était touchante, et toutes tes petites inventions pour que je puisse aller me promener dans le parc… Et puis j’ai mesuré la valeur de ta parole ; quand tu m’as dit il y a trois ans que tu ne m’abandonnerais jamais, je ne savais pas que cela se traduirait de cette façon. Toi si, je l’ai compris il y a peu de temps. Mais bon, si c’était à refaire, ce serait sans hésitation aucune. C’était tellement bon que tu me serres tout doucement dans tes bras, en accompagnant cette caresse de tes mots coulant comme une cascade fraîche. Je me trompe ou tu choisissais des mots que je pouvais bien entendre, avec des sons très doux, pour ne pas me heurter ? J’ai remarqué aussi que tu ne me posais plus de questions, pour ne pas m’imposer de réfléchir… Bon j’arrête là, mon agonie était heureuse, grâce à toi. N’écoute pas ma famille pour qui il faut absolument que j’aie souffert le martyre, comme si cela donnait du prix à ma mort ! En même temps, c’est normal, tu m’as fait bien de la peine avant, et je n’oublie pas, coquin, que tu es un amoureux perpétuel et permanent avec tout ce que cela comporte de petits malheurs.
Mais tu pleures… pourquoi mon cœur ? Sais-tu que c’est interdit ? Ah, ce sont des larmes que tu laisses ici, bon ça va, alors.
Parce que je te veux souriant. Tu m’as compris, oui comprise, je sais ? Je te veux souriant, et heureux, mon pote, heureux comme tu sais l’être d’habitude. Sinon, comment te reconnaîtrais-je au milieu de tous ces vivants qui se ressemblent ?
Hé ! Tu reviens quand tu veux, mon cœur, j’ai quelques plantes à arroser…